Les musées n'ont pas de frontières,
ils ont un réseau

La 20e édition de « Communicating the Museum », la conférence internationale dédiée à la communication dans le domaine de l’art, sera organisée par l’agence de communication culturelle parisienne Agenda, du 27 au 31 mai 2018 à Bruxelles. Pendant cinq jours, des professionnels des musées se réuniront pour débattre de l’évolution du rôle de ces institutions au sein de la société. Raphaël Cruyt, auteur de storyboards, soudeur de pipelines, dessinateur humoristique pour la presse et entrepreneur sur Internet, y sera l’un des intervenants principaux. En 2016, il crée avec Alice van den Abeele le Millennium Iconoclast Museum of Art (MIMA), dans le quartier de Molenbeek à Bruxelles. Raphaël a bien voulu prendre le temps de répondre à quelques questions avant cette conférence.

Selon vous, les musées traitent-ils suffisamment les questions de justice sociale et d’émancipation de la jeunesse ?

Souvent, les musées abordent ces questions avec passion et sincérité dans leurs programmes. La vraie question est donc : leurs propos s’accordent-ils avec leurs actes ? Servent-ils à donner bonne conscience à la société, au prix d’un certain paternalisme et d’une légère hypocrisie ? Quel est le rôle des politiciens, qui ont octroyé des financements à ces programmes ?

Les musées doivent aborder ces sujets avec humilité et en adoptant plusieurs approches adaptées aux différents publics. Sans oublier qu’il faut bien garder à l’esprit que nos actions n’ont ni sens ni portée sans une mobilisation collective, au-delà du musée.

Quels sont les facteurs ayant permis la création du MIMA ? Pouvez-vous en décrire brièvement le concept ?

La révolution dans le domaine des communications, telle que décrite par l’essayiste et expert en sciences sociales Jeremy Rifkin, a entraîné un changement rapide de paradigmes dans la société à l’aube du nouveau millénaire. Pour faire simple, la technologie engendre une culture plus transversale et collaborative, davantage mise en avant, ce qui est positif. Dans notre société mondialisée, la soif d’information est devenue inextinguible et son accès de plus en plus facilité, provoquant une évolution constante des références communes. C’est, avec la grande diversité de points de vue, la raison pour laquelle celles-ci sont de plus en plus réduites.

L’un des défis auxquels les musées d’art contemporain sont confrontés est donc de trouver comment s’adresser à un public peu averti. La réponse du MIMA est d’utiliser une approche ludique pour présenter la connaissance. Le musée a été conçu dans cette perspective. Nos expositions s’appuient sur le principe du jeu vidéo : on débute à bas niveau et plus on avance, plus cela se complexifie. Autrement dit, le langage des œuvres et des installations sur place parle tout de suite à un vaste public. Une fois dans le « jeu », le visiteur peut appréhender la complexité des savoirs. C’est l’idée de base, que nous appliquons à la visite, avec l’aide des artistes.

Le MIMA prévoit d’organiser deux expositions principales chaque année, sur un thème prédéfini en rapport avec des questions sociales, comme le travail collaboratif, la construction d’une identité, l’humour et la liberté, ou encore l’écologie.

En 2018, nous traiterons de la désobéissance civile, avec une première exposition conçue par deux artistes suédois, Akay & Olabo, qui partagent la philosophie de Henry David Thoreau. Des installations ludiques et interactives permettent d’explorer ce thème social.
La seconde exposition retrace l’histoire des affiches militantes entre 1968 et 1973. Derrière leur esthétique et leur humour se cache l’histoire de luttes et de mobilisations sociales. Elles rappellent qu’il est toujours possible de faire bouger les choses.

Ce projet a-t-il influencé les décideurs en ce qui concerne les musées et la culture ?

À peine deux ans d’existence, et le MIMA est toujours perçu comme utopique, car l’institution culturelle a mis en place une approche « bottom-up ».  En effet, le MIMA est financé directement par le public.

Pour le moment, les décideurs se posent les questions suivantes :

– Le modèle de financement du MIMA est-il viable ? D’autres musées belges pourraient-ils l’adopter et survivre sans dépendre des subventions publiques ?

– Comment le musée réussit-il à attirer son public, notamment dans des zones désavantagées comme Molenbeek ?

Moi-même, je ne saurais répondre à toutes ces questions.

Comment les musées dans d’autres pays et contextes peuvent-ils renforcer leur rôle social ?

Je pense qu’un musée a besoin d’avoir une identité forte, à laquelle les visiteurs peuvent facilement adhérer. Tout d’abord, il faut penser « glocal ». Dans une société aussi mondialisée que la nôtre, ce n’est plus l’environnement qui définit l’identité, mais plutôt le point de vue adopté.

Ensuite, d’après mon expérience personnelle, il est important de prouver l’indépendance des musées, qu’ils sont au service de la population et surtout qu’ils ne sont pas l’instrument de puissances politiques ou financières.