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novembre 3, 2025

ICOM Voices ICOM Voices Past: La jeunesse et le musée, de Léningrad-Moscou 1977 à Dubaï 2025 : un regard sur les archives de l’ICOM

La jeunesse est au cœur de nos discussions en 2025, cette dernière étant un des sous-thèmes de la Conférence générale d’ICOM Dubaï. Le département Publications, Documentation et Archives du Secrétariat de l’ICOM lui a consacré un numéro spécial de la revue académique Museum International intitulé « Youth, intangible heritage and new technologies in museums », et a abordé ce sujet à travers plusieurs articles de la série en ligne ICOM Voices.

Alors que le réseau ICOM s’apprête à discuter de l’avenir du secteur muséal à la Conférence générale de Dubaï, nous vous invitons également à porter un regard sur son passé grâce à un document issu de nos archives. L’ICOM, déjà en 1977 lors de sa Conférence générale à Léningrad-Moscou en URSS, s’intéressait à l’implication de la jeunesse dans les musées. Un groupe de travail du Comité pour l’éducation et l’action culturelle (CECA) avait alors présenté une expérience pilote appelée « Travelling Box-Kit », développée par des musées de plusieurs pays en collaboration avec des parlements d’enfants.

Ce document d’archives est conservé au Secrétariat de l’ICOM dans ses versions française et anglaise.

Accéder au document d’archives en français

Accéder au document d’archives en anglais

Retranscription de la version française du document d’archives, intitulé « ICOM 77, Leningrad-Moscou “Musées et échange culturel. Rôle des musées dans l’enrichissement mutuel des cultures et la compréhension entre les peuples” »

EXPERIENCE PILOTE PRESENTÉE AU CONGRES MONDIAL d’U.R.S.S.,
SERVICE INTERNATIONAL : “TRAVELLING BOX-KIT”
ECHANGE PAR L’INTERMEDIAIRE D’UN PARLEMENT D’ENFANTS
LA CULTURE A TRAVERS LES MUSÉES,

– Patricia M. McDonald, vice-president of CECA. Education Officer in Charge. Glenn Hunt, Education Officer. Australian Museum, Sydney.
– Lydia Ross, director. Edwina Taborsky, past-director. Timmins Museum Centre, Canada.
– Pujol-Avellana, director, Departamento Educación. Estudio de Arte Infantil del Museo de Historia de la Ciudad de Barcelona, Espana

RAPPROCHEMENT DES CULTURES

Le musée, considéré comme une Institution Culturelle au service de la communauté, doit être un instrument de communication des cultures et permettre dans son langage propre la connaissance du patrimoine de l’humanité d’une façon vivante et non comme étant simple dépositaire des trésors qu’il conserve.

L’éducation, et tout spécialement celle donnée dans les musées, doit ouvrir l’esprit de ses jeunes visiteurs dans une perspective de nouvelles possibilités et de changement d’attitudes. D’un point de vue constant d’expériences, stimulation et amélioration du développement, le fait d’apprécier la culture des autres peuples, élimine les préjugés et forme des critères qui conduisent comme l’indique l’épigraphe générale de ce Congrès, À UN MUTUEL ENRICHISSEMENT ET UNE MUTUELLE COMPRÉHENSION qui permettent d’établir avec les autres un dialogue digne.

Pour obtenir cet apprentissage, il est nécessaire de dépasser le cadre national, sortir des frontières. Sous cet aspect, le département d’éducation / Studio d’Art Enfantin du Musée d’Histoire de la Ville, déploie son activité en encourageant un ÉCHANGE CULTUREL ENFANTIN INTERNATIONAL entre les départements éducatifs du Timmins Museum Centre du Canada, du Australian Museum, Sydney, et notre Musée d’Histoire de Barcelona. La première étape a été un long contact, puis une coopération postérieure entre les représentants desdits musées lors du Congrès International, ICOM 75 qui a eu lieu au Victoria and Albert Museum de Londres.

Il a été convenu de créer dans chaque musée une malle voyageuse équipée « TRAVELLING BOX-KIT »destinée à être réciproquement échangée et contenant une sélection faite par les enfants de matériel de tous genres, publication, minéraux, vêtements, travaux, objets de la vie quotidienne, etc… dans le but de présenter une image d’une aire concrète de chaque pays respectivement, soit Ontario, Sydney et dans notre cas, la Catalogne pour ce qui est de sa culture, son industrie, sa vie sociale et historique. Les musées devront étudier une manière particulière de présenter le matériel reçu à toutes les respectives écoles de façon à faciliter aux élèves une meilleure connaissance et assimilation de ce qui a été étudié dans les livres de texte.

Voici donc créé un SERVICE INTERNATIONAL, modalité du service de prêt à niveau local qui a débuté dans les années trente dans les pays anglo-saxons, puis s’est étendu au reste de l’Europe et à d’autres continents. Le domaine culturel du musée déplacé à l’extérieur favorise la décentralisation et rompt ainsi l’isolement privilégié de l’exclusivité, propriété d’une élite, pour s’intégrer dans la communauté.
Le musée par et pour le peuple.

LE PARLEMENT D’ENFANTS

Les principes appliqués dans ce programme d’éducation par les musées ont suivi deux chemins parallèles de coopération et répartition des responsabilités données à la communauté voisine, écoles, institutions, entités, etc., dans le but d’obtenir les conditions les plus favorables à l’inter-relation et au contact musée-habitants ; cela signifierait une unité partageant et décidant la planification de sa problématique. C’est à partir de cette position que se constitue un PARLEMENT D’ENFANTS devant se charger de la réalisation de la « TRAVELLING BOX-KIT » d’échange. Il s’agit d’une assemblée pluraliste formée par le musée, des moniteurs et un groupe de garçons et filles appelés les chercheurs, membres de la U.E.C. et provenant de différents types d’écoles. Un musée POUR et PAR le peuple, adaptation au monde moderne dans sa dimension socio-culturelle. Ville et musées, enfants et adultes, nouvelle idéologie qui protège la liberté d’expression et qui donne aux individus la possibilité d’exercer leur initiative ou leur activité créatrice et qui change l’attitude passive et réceptive en une attitude de don et de participation. Les enfants ont été conscients de réaliser un travail utile à leurs camarades de la Catalogne.

PROCÉDÉS TECHNIQUES

Le processus parlementaire a été basé sur les règles qui ont été adoptées par la « International Jaycees » similaires à celle utilisées par les corps législatifs de tous les pays du monde pour la libre discussion. Réunions ordonnées qui favorisent une meilleure compréhension et donnent à chacun les mêmes possibilités d’usage de la parole. Décisions majoritaires et protection des droits de la minorité. Les réunions ont eu lieu au Département Studio d’Art, Enfantin de ce musée de 19 à 21h pendant une année scolaire et demie et tous les 15 jours pour qu’il y ait le temps de les préparer. Pour une meilleure compréhension dans la façon de travailler, le groupe d’enfants a adopté ses propres modifications et configurations parlementaires qu’il a étudié pour son compte pendant un temps et qui lui a permis d’alléger et de simplifier le système. En définitive, on a donné aux enfants la responsabilité de cette expérience comme déterminants de la trajectoire entreprise fut-elle valable ou moins valable, sans qu’il y ait pression de la part des adultes.

Le travail a été réparti entre quatre groupes équivalents à des commissions portant chacun le nom d’une couleur, respectivement, rouge, bleu, jaune et vert et sous la responsabilité d’un chef ; il y a corrélation entre le groupe, la couleur et le thème. Par exemple, le groupe bleu s’occupe des problèmes de la Méditerranée, thème proposé principalement et avec grand intérêt par l’Australie. Des enquêtes ont été réalisées auprès des pêcheurs au sujet de la pollution des eaux puis on a réuni des articles de journaux ayant trait à l’écologie, des travaux et des chroniques sur le milieu ambiant. Certains enfants destinés à l’action étaient chargés de réunir le matériel jugé nécessaire lors de chaque réunion, de vérifier ou solliciter des informations et des renseignements sur le sujet ; les studieux et les intellectuels classaient et écrivaient leurs impressions. Pour obtenir de nouvelles idées et élaborer fructueusement une première liste d’objets et de thèmes, on utilisera la technique du « brainstorming » qui a donné de bonnes suggestions. Certains enfants ont maintenu une correspondance avec des camarades étrangers ce qui a établi des relations profitables et des liens amicaux.

FAÇON DONT SE CÉLÉBRAIT LA RÉUNION

Comme il s’agissait d’un groupe en formation, la première séance a été ouverte par la directrice du Département d’Éducation, pour que une fois l’inauguration faite, on puisse sélectionner un président ou demander à la même personne de continuer à présider les délibérations. Des accords ont été pris, et des fonctions attribuées après vote. Lors de chaque réunion, la secrétaire procédait à la lecture de l’ordre du jour pour son approbation. Puis l’on passait à la mise en commun des informations des responsables de groupe, continuant ensuite par les affaires en train, les questions d’ordre général, et les projets nouveaux pour terminer par les vœux et questions.

INTERVENTIONS

L’un des enfants avait le rôle de modérateur ou coordinateur : il donnait la parole à qui a demandé en premier en levant la main ; elle lui était accordée si celui qui intervenait avant lui avait terminé.

LA MOTION

La proposition de ce que l’on voulait faire, ou motion, véhicule de l’action du groupe, a été réduite à un seul type sans distinction entre les principales et secondaires, incidentes, privilégiées ou celles purement de procédures comme l’appellation, un amendement ou la suspension temporaire des règlements etc… Une fois la motion présentée, elle devait être appuyée par quelqu’un du groupe afin de s’assurer que ce qui était exposé présentait de l’intérêt. Le débat terminé, le vote avait lieu à main levée par majorité simple, c’est-à-dire la moitié plus un.

TRAJECTOIRES ET EXPÉRIENCES

Le parlement a présenté une courbe ascendante d’enthousiasme et d’euphorie, puis s’est situé sur une ligne de tâtonnements et d’instabilité à cause de l’excès d’amendements et de rectifications. Les règlements furent suspendus temporairement afin d’en reconsidérer la structure et d’analyser le comportement de chacun. L’expérience a été positive et très utile. Le groupe avait mûri et l’on revint à la procédure parlementaire avec une vision nouvelle de sérénité ; on adopta une attitude conséquente envers les décisions prises librement par le groupe ; chacun étant conscient de la valeur des engagements pris. La mise en commun donne à l’individu le sens de la participation ; les enfants ont appris à parler d’une façon claire et concise sans crainte à se manifester et à accepter et respecter le droit et l’opinion des autres.

PARTICIPATION DE LA COMMUNAUTÉ

Ce programme a été partagé avec la communauté. Des particuliers, des entités officielles et privées ont coopéré par leur travail et leurs dons à la réunion du matériel inclus dans la TRAVELLING BOX-KIT.

EXPOSITION EN U.R.S.S. ICOM 77

Cet Échange Enfantin International s’est inséré dans le contexte général des activités du « Working party on kits » pendant les séances d’étude lors du congrès du CECA 76 de Umeå, Suède, comme apport inédit d’une expérience intéressante à présenter en U.R.S.S. au congrès ICOM 77, en accord avec la thématique de son titre mentionné antérieurement.
Dans une salle du Musée de « l’Hermitage » – Leningrad – réservée par CECA, on a installé conjointement aux deux « kits » de Suède et de R.F.A., un reportage photographique qui montre le processus de cet Echange Enfantin duquel il a été fait référence dans le « report » de Ger Van Wegen.

Le « Working party on kits » du CECA se terminera à Moscou par la chronique finale de son président M. Jean Favière.
Cette première expérience prétend susciter de nouveaux projets et offrir à tous les musées le début d’un chemin de rapprochement entre les peuples et les cultures. À travers un échange VIVANT, les enfants participants bénéficient d’une éducation pluraliste qui les conduira à distinguer et estimer dans le contexte d’une vision d’ensemble les caractères spécifiques de chaque culture. L’apport de suggestions et d’opinions de tous contribuera sans aucun doute à améliorer ce qui a été déjà réalisé.

Pujol-Avellana

ECHANGE INTERNATIONAL « TRAVELLING BOX-KIT »
PARLEMENT EXECUTIF D’ENFANTS

CONSTITUTÉ PAR :

Groupe « les garçons et filles chercheurs », membres de la U.E.C. (Unió Excursionista de Catalunya) et provenant de différents types d’écoles (11-13 ans) : X. Roman, E. I. Bohigas, M. L. Moreno, M. Dachs, A. Just, A. Salgado, A. Pinell, E. Martinez, J. de Ramón, J. Tolrá, O. Arisó, P. Segura, E. Balada, N. Mir, R. Más, J. Olivé, O. Calpe, L. Masvidal, D. Torrent, V. Bassas, A. Cid, I. Más, M. Pañella.
Robert Hijar et Roser Castelló, moniteures (U.E.C.) et prof. Pujol-Avellana, directrice du « Departamento de Educación Estudio de Arte lnfantil del Museo de Historia de la Ciudad ».

COLLABORENT :

Ayuntamiento de Barcelona
Instituto Municipal de Educación
Diputación Provincial de Barcelona / Palau de la Generalitat
Omnium Cultural / Delegacio d’Ensenyament de Català DEC
Congrés de Cultura Catalana
Joven Camara de Barcelona
Instituto de Investigación Pesqueras
Ayuntamiento de Tarragona
Joven Camara de Tarragona
Escoles Miramar de Hospitalet del Llobregat
Escuela Suiza de Barcelona
Escuela Nacional de San Baudilio del Llobregat

Reportage photographique pour exposer en U.R.S.S.
Carlos Pérez de Rozas

Photographies couleur
Cecilio Petriz
Miquel Batet

DÉPARTEMENT D’ÉDUCATION / STUDIO D’ART ENFANTIN DU MUSÉE D’HISTOIRE DE LA VILLE
UNE EXPÉRIENCE À BARCELONA

LES PRÉCÉDENTS

1968 : Exposition Nationale « Liberté créatrice » célébrée dans Real Salón du « Tinell » du Musée, comme témoignage de l’importance de l’éducation à travers l’art. Sensibilisation des parents et professeurs.
1969 : Exposition Internationale « Liberté créatrice » célébrée dans le Real Salón du « Tinell » du Musée, comme témoignage mondial de l’importance de l’éducation à travers l’art. Sensibilisation des parents et professeurs.

INAUGURATION OFFICIELLE

1973 : Constitution du DÉPARTEMENT D’ÉDUCATION/STUDIO D’ART ENFANTIN DU MUSÉE D’HISTOIRE DE LA VILLE.

BREF RÉSUMÉ
BASES IDÉOLOGIQUES

Une base importante dans l’éducation contemporaine est le rapprochement des enfants vers les musées. L’expérience visuelle et le contact direct avec les matériaux enrichissent, rendant plus fructueuse l’étude dans les livres et facilitant l’approfondissement et une meilleure connaissance des thèmes. Les écoliers apprennent à formuler des jugements de valeur mais aussi comment fonctionne le musée. Ils sont initiés à la découverte, à l’exploration pour leur compte, au désir de connaître d’autres genres de musées, à l’étude des objets de leur milieu ambiant. Le but principal est de suivre une ligne formative dynamique par l’intermédiaire de la participation responsable et active des éducateurs et des enfants. De même ce but est de contribuer au développement de la communauté par une attache socioculturelle à la ville, à la province et par un échange avec le milieu international spécialisé. Il s’agit en définitive de prétendre donner une réponse d’ordre éducatif aux exigences que présente la société actuelle.

INTENTIONNALITÉ THÉMATIQUE

– Retour aux temps passés afin d’acquérir des bases pour comprendre le processus évolutif de l’art et de l’histoire.
– Obtenir l’enrichissement de la sensibilité actuelle — considérablement appauvris— (vibrer devant ce qui est beau).
– Élever ce qui est populaire.
– Retrouver les valeurs oubliées ou inconnues de l’histoire, spécialement celles de la propre terre.

PROGRAMMATION DIDACTIQUE

Elle se déroule suivant des cycles de visites programmées historico-esthétiques au musée et à l’extérieur, orientées par des livres guides que ce Département a édité pour les enfants et les professeurs qui les accompagnent. À la fin de chaque visite, les enfants, dans le Studio d’Art Enfantin, ont la possibilité d’exprimer leurs impressions, leurs sentiments et leurs observations par des dessins ou des peintures selon un processus de créativité personnelle. De cette façon, ils fixent leur attention et assimile mieux ce qu’ils ont eu. L’art est une forme importante de communication. À la fin de chaque cycle de visites, il y a un processus de vérification et de constatation des résultats au moyen de la mise en marche « d’enquêtes enfantines », structurées formellement. Les enfants donnent leur avis et sont conscients de la valeur accordée à leur personnalité. De même, le dialogue soutenu avec les éducateurs a contribué par son apport professionnel à préciser ces tâches pédagogiques en développement constant.

– Visites complémentaires à d’autres endroits présentant un intérêt, commentées par des techniciens du Musée, complétées de feuillets didactiques et comprenant des exécutions picturales.
– Visites monographiques, activités Enfantines en commémoration de certains évènements culturels de la ville.
– Réunions de travail avec des professeurs ou des parents. Parlement d’enfants. Participation à des congrès.
– Concours pour enfants, concerts, expositions, séminaires d’été, théâtre et d’autres activités socioculturelles à caractère formateur.
– Échanges entre les musées à niveau international : « Travelling Box-kit », etc.

Un plan d’exécution n’est jamais ni défini ni achevé ; il peut être restructuré et modifié au cours de ses expériences et lors des résultats. Il est toujours ouvert et prêt accueillir de nouvelles idées et de nouvelles initiatives.

PS.

Cette communication a été présentée par Pujol Avellana avec diapositives, dans la séance plénière du mardi 25 à Moscou, par invitation de I. Nikiforova, Secrétaire Générale du Comité Soviétique de l’Icom.
On peut vraiment détecter le fort impact causé dans les congressistes, surtout ceux du nord et du centre d’Europe, devant la création d’un nouveau Service International « Travelling Box-kit » d’échange enfantin à travers les musées. Il y eut de nombreuses félicitations après la conférence et postérieurement par lettre.