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mars 20, 2023

ICOM VoicesLa boîte à outils Mini-Guislain : Un service prévisite pour les visiteurs présentant des troubles mentaux

Yoon Hee Lamot

Conservatrice au musée Dr Guislain

Mots-clés : musée, inclusion, troubles mentaux, service prévisite, santé mentale

De nos jours, les musées ouvrent leurs portes à un public toujours plus large, et ce par exemple en adaptant leurs textes, en organisant des activités participatives ou en impliquant les communautés.

Cependant, de nombreux groupes peinent toujours à accéder à ces musées. Bien que les musées œuvrent à rendre leurs bâtiments et leurs présentations accessibles aux personnes présentant de handicaps physiques, ils ne sont que rarement accessibles ou accueillants pour les visiteurs qui présentent des troubles mentaux.

Au musée Docteur Guislain, fondé en 1986 dans les anciens bâtiments du premier hôpital psychiatrique belge, l’inclusion est une priorité majeure. Ses expositions et activités sont centrées sur le thème de la santé mentale. De 2020 à 2022, le musée était l’un des partenaires institutionnels du projet Erasmus+, MindTour, qui a pour but d’améliorer l’accessibilité des attractions touristiques pour les personnes présentant des troubles mentaux, aux côtés d’autres partenaires tels que l’université des sciences appliquées Thomas More (Belgique), l’université Tartu et le musée Pärnu (Estonie), ainsi que l’université de Lettonie et l’hôtel Zeit (Lettonie). Dans ce cadre, des étudiants du département de conception de l’espace et des services de l’université des sciences appliquées Thomas More (Julie Amy, Britt Pellens et Anthony Chalfoun) ont mis au point, pour le musée Dr Guislain, une boîte à outils appelée Mini-Guislain. Ce « service prévisite » permet aux personnes présentant des troubles mentaux ainsi qu’à leurs accompagnants de préparer leur visite, et au musée d’être en contact avec elles avant, pendant et après cette dernière. Au fil de leurs recherches et observations, il est apparu aux étudiants qu’il était essentiel pour les personnes présentant des troubles mentaux de se préparer à la visite pour qu’elles vivent une expérience qualitative. Les concepteurs ont alors décidé de repenser les services prévisite proposés par le musée et développé la boîte à outils Mini-Guislain. Gratuite, elle peut être commandée directement sur le site internet du musée.

La boîte à outils Mini-Guislain

Fig. 1
La boîte à outils Mini-Guislain. © Amy Julie and Pellens Britt.

Les recherches effectuées ont révélé qu’une grande partie des défis et problèmes rencontrés lors de la visite étaient liés à l’impossibilité pour les accompagnants de préparer la visite. Visiter un nouvel endroit est souvent une source de stress pour les personnes ayant des besoins particuliers. Le plus souvent, elles ne savent pas comment se repérer dans un musée et ne sont pas préparées à ce qu’elles vont voir. En outre, elles se retrouvent en contact avec de nombreux inconnus et il leur arrive d’être submergées par les sons, les images, les objets, et ce alors qu’elles ont, pour beaucoup, besoin d’une certaine prévisibilité. La boîte à outils Mini-Guislain vise donc à leur fournir les informations nécessaires avant la visite pour qu’elles se préparent, ce qui contribue à rendre l’environnement plus sécurisé et reconnaissable pour elles. Cette boîte à outils peut même permettre d’impliquer les visiteurs avant leur venue, de faire naître des attentes, de l’enthousiasme, et d’entraîner plus d’interactions.

Les aidants, parents ou compagnons de ces visiteurs présentant des troubles mentaux jouent un rôle clé puisqu’ils sont habituellement ceux qui décident d’aller ou non au musée, qui préparent la visite et qui déterminent si l’institution est suffisamment accessible. C’est pour cette raison que la boîte à outils Mini-Guislain comprend deux parties : un dossier destiné aux visiteurs et un autre pour l’accompagnant. Ce dernier inclut un manuel d’utilisation, une liste des objets de la boîte à outils et des informations pour préparer la visite, avec notamment l’adresse, les heures d’ouverture du musée, les moyens d’accès, les objets à prévoir et les services fournis par le musée. Le dossier comporte également un petit texte sur le docteur Joseph Guislain, le premier psychiatre de cet ancien établissement psychiatrique.

Fig. 2
Le plan du parcours du visiteur. © Amy Julie and Pellens Britt.

Le dossier individuel est destiné aux visiteurs présentant des troubles mentaux. En fonction du nombre de participants, l’accompagnant peut en commander plusieurs. Ce dossier contient une étiquette où inscrire le nom de la personne qui l’utilise, un ticket d’entrée et un bon pour une boisson au café du musée. Il offre également la possibilité de faire un dessin qui sera placé sur un mur dédié dans le musée. Ce dessin est pensé comme une introduction à l’art et aux musées, mais il permet aussi de rendre le groupe de participants plus actif. Un plan du parcours à suivre dans le musée, qui détaille chaque étape de la visite, est également fourni. Il sert de guide entre les activités et expériences successives qui attendent les visiteurs lors de la visite. Les nombres indiqués correspondent à ceux figurant sur le plan de l’étage et orientent les visiteurs dans le musée. Le musée se trouve dans un ancien hôpital psychiatrique qui n’a jamais eu vocation à devenir un musée, s’y orienter est donc un défi constant. Le contact avec des inconnus pouvant générer du stress ou de la confusion pour certains visiteurs qui présentent des troubles mentaux, nous avons ajouté au dossier des photos des membres du personnel d’accueil qu’ils sont susceptibles de rencontrer durant leur visite. Ces visiteurs peuvent également marquer le jour de leur venue d’un autocollant à apposer sur leur propre calendrier afin de créer un cadre temporel et une structure les préparant à la visite.

Fig. 3
Détail de la boîte à outils Mini-Guislain. © Amy Julie and Pellens Britt.

On y trouve aussi une « mini visite guidée » et un « mini musée », un modèle 3D des salles d’exposition. Des informations sur les œuvres et les objets exposés y figurent, accompagnées d’autocollants des principaux points d’intérêt du musée. L’accompagnant est alors en mesure de parler des œuvres à l’aide des textes explicatifs. Ensemble, l’accompagnant et le visiteur peuvent placer les autocollants sur le mini musée pour avoir une idée de ce qui les attend durant l’expérience.

Le dernier élément du dossier est un cadre photo ; les visiteurs ont ainsi l’occasion de prendre une photo d’eux-mêmes au musée et de la placer dans ce cadre pour garder un souvenir à ramener chez eux, un petit service après-vente.

Fig. 4
Détail du “mini musée” et de la “mini visite guidée”. © Amy Julie and Pellens Britt.

Conclusion

En tant que musée travaillant sur la santé mentale, nous souhaitons que nos expositions et activités contribuent à améliorer le bien-être des visiteurs. Pour bien des musées, toucher un public large et diversifié est à la fois une priorité et un défi. Avec la boîte à outils Mini-Guislain, nous cherchons à effacer les barrières que rencontrent les personnes présentant des troubles mentaux lors de leurs visites dans les musées. Elle fournit non seulement un service prévisite, mais aussi une expérience unique et personnelle avant, pendant et après la visite.

Références : www.museumdrguislain.be

Note: la boîte à outils est rattachée aux expositions temporaires, une version actualisée sera bientôt disponible.