Luis Walias Rivera
Chercheur postdoctoral, Université de Cantabrie, Espagne
Les musées n'ont pas de frontières,
ils ont un réseau
mars 4, 2020
Mots-clés: musée ; marketing ; urbanisme ; culture ; société
Les musées et les centres d’art postmodernes, en particulier ceux jouissant d’une reconnaissance internationale, ont un lien avec la réhabilitation urbaine et socioculturelle de leurs quartiers d’accueil. Cette réalité est due à un processus de marketing stratégique, dont les principes et les variables commerciales sont appliqués avec succès au domaine des musées. La bonne gestion de ce processus a des effets positifs, tant sur les populations que sur les musées eux-mêmes et leurs collections. Elle peut également être bénéfique au développement urbain, en permettant la rénovation de quartiers dégradés.
L’architecture comme instrument marketing
À partir des années 1930, sous l’influence des pionniers du mouvement moderniste Auguste Perret, Le Corbusier ou Ludwig Mies van der Rohe, l’architecture des musées occidentaux est devenue un objet d’attention populaire reposant sur des designs séduisants et la signature de leurs créateurs. Des années plus tard, après l’inauguration du Musée Solomon R. Guggenheim à New York (1959), le public s’est montré plus sensible à l’architecture du musée qu’à son contenu, faisant ainsi de l’attrait architectural un principe fondamental de la stratégie marketing muséale. Tandis que l’architecture du Guggenheim générait un nouveau flux important de visiteurs, ces résultats ont aussi valorisé l’image de l’institution. Par voie de conséquence, un bâtiment spectaculaire associé à un musée jouissant d’une image de marque reconnue mènent aux meilleurs résultats.
Bien qu’attribuer une fonction commerciale à l’architecture ait été l’idée originale de l’architecte Frank Lloyd Wright, avec le Musée Solomon R. Guggenheim, il y eut un précédent : le Musée d’Art Moderne de New York (1939), par Philip Goodwin et Edward Durell. Sans le vouloir, le MoMA a instauré un esprit compétitif et distinctif grâce à son esthétique simple et linéaire. Néanmoins, la réalisation de Wright était faite pour séduire. L’édifice a suscité des réactions en chaîne : un rayonnement qui a attiré d’innombrables visiteurs, architectes et gestionnaires, curieux de la mise en œuvre de cette approche novatrice.
L’architecture comme vecteur de rénovation urbaine
Les concepts de transformation et de rénovation urbaine sont apparus des décennies plus tard, sous l’influence de Renzo Piano et Richard Rogers. Ces architectes postmodernes ont repris les principes subtils du marketing mis au point par Frank Lloyd Wright et les ont appliqués au projet de création du Centre Pompidou (1977), alors implanté dans un quartier dégradé de Paris. La réponse du public et des habitants fut immédiate, entraînant la redynamisation et le développement de l’espace grâce à une symbiose enrichissante entre le centre culturel et la population, donnant lieu à l’effet Beaubourg. Ce processus, actif dans les deux sens, a transformé le quartier en un lieu à la mode, ravivant l’intérêt des habitants pour l’art en général grâce aux collections du Centre. La complémentarité parfaite du Centre Pompidou et de son quartier a généré un engouement sans précédent.
La métamorphose urbaine et socioculturelle résultant de cette expérience française s’est aussi manifesté à travers l’effet Bilbao, provoqué par le musée Guggenheim de Bilbao (1997). Ce bâtiment attrayant, conçu par Frank Gehry, a réussi à conjuguer l’art de l’architecture et celui de l’aménagement urbain, et a, de ce fait, contribué à la redynamisation de toute une ville.
Il est clair que les stratégies marketing fondées sur l’attrait architectural entraînent une série de procédés de revitalisation qui ont des effets positifs sur l’urbanisme et les populations de nombreuses villes occidentales. L’image de marque d’un musée, incarnée par l’esthétique de son architecture, attire des visiteurs aux profils variés, et permet la mise en place d’installations et de services de proximité rendant l’ensemble du site plus attractif. Les quartiers défavorisés se transforment à la fois en espaces culturels et en lieux de ressources intéressantes sur le plan stratégique.
Une stratégie étendue
L’Université de Cantabrie analyse ces processus sous l’angle de la gestion et du marketing appliqué aux musées. A travers le projet « La gestion effective du marketing stratégique des musées et son influence sur les quartiers culturels », nous analysons des phénomènes similaires observés dans d’autres villes, par exemple, le Tate Modern de Londres et le quartier de Southwark, le musée LACMA de Los Angeles dans le quartier de Miracle Mile, la Cité du vin à Bordeaux dans le quartier de Bacalan, ou encore, le Centro Botín, pièce maîtresse d’un futur Museum Mile dans la ville de Santander.
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