Elyse Newman
Responsable éducative, New York Transit Museum
Les musées n'ont pas de frontières,
ils ont un réseau
mars 23, 2017
Installé dans une ancienne station de métro de Brooklyn, le New York Transit Museum attire depuis longtemps les jeunes atteints de troubles autistiques dotés d’une véritable fascination envers les trains et autres moyens de transport. Certains d’entre eux y viennent chaque weekend, accompagnés de leurs parents. Ils connaissent le plan du métro sur le bout des doigts et peuvent dire avec exactitude quels modèles de trains circulent sur quelles lignes. Nombreux sont ceux qui veulent devenir conducteur de train.
Il y a sept ans, la direction du musée s’est rendu compte d’une occasion unique de créer un programme hautement spécialisé à l’intention de ces enfants et d’exploiter leur enthousiasme pour ce sujet afin de les aider à développer leurs capacités relationnelles. Avec l’aide de spécialistes de l’autisme, le musée a conçu Subway Sleuths (« détectives du métro »), un programme extrascolaire primé destiné aux jeunes fans de trains atteints de troubles du spectre autistique, du CE1 au CM2. En 2016, le Transit Museum s’est vu remettre le National Arts and Humanities Youth Program pour Subway Sleuths, la plus haute distinction accordée aux programmes extrascolaires, et a reçu le prix Excellence in Programming de l’American Alliance of Museums.
Subway Sleuths utilise une approche basée sur les talents et envies des enfants, dans laquelle leur passion pour ces engins joue le rôle de facteur de motivation positif plutôt que celui d’obsession à surmonter. En effet, le fait de combiner un cadre adapté à leurs besoins particuliers et un sujet qu’ils maîtrisent parfaitement (ici, les transports) permet de stimuler la communication, de les aider à se sentir compétents et de développer des capacités indispensables, telles que la flexibilité, l’autorégulation et l’affirmation de soi. Les enfants souhaitant participer doivent être épris de trains et autres véhicules. En effet, c’est grâce à cet intérêt commun qu’ils formeront un lien entre eux. Les objets du musée auront pour fonction de stimuler les enfants et serviront également de structure pour qu’ils puissent enquêter, comprendre, imiter et s’initier aux interactions sociales. Ce programme revêt une importance particulière pour cette population. En effet, les activités extrascolaires accessibles aux enfants autistes sont peu nombreuses, alors même que ce syndrome touche un enfant sur 68 et un garçon sur 42.
Dix rencontres hebdomadaires ont lieu en automne, suivies de 12 autres au printemps. Chacune accueille un maximum de six participants, supervisés par trois animateurs : un orthophoniste, un éducateur spécialisé et un éducateur travaillant pour le musée même. Ce faible ratio adulte/enfant et l’expertise de ces spécialistes constituent la base et la structure mêmes du programme. Élaboré selon des méthodes adaptées à ces enfants, qui s’épanouissent dans les environnements hautement structurés, il associe plusieurs stratégies testées et approuvées. Ces techniques aident les jeunes à assouvir leur besoin d’apprendre par le moyen de l’art, du mouvement et de jeux d’imagination. Ils sont ainsi amenés à créer des interactions sociales entre eux et à travailler en équipe. Chaque séance commence par la présentation du planning du jour en images. Les capacités visuelles des étudiants sont mises à profit, afin qu’ils puissent plus facilement adapter leurs attentes et collaborer en vue d’un même objectif. Ensuite, le groupe va participer à deux activités. Elles sont pour la plupart conçues de façon à décomposer le but commun en plusieurs tâches réalisées par des partenaires. Par exemple, si le groupe doit élaborer un plan géant du métro, une équipe de partenaires devra dessiner les lignes pendant que l’autre sera chargée de trouver des noms amusants pour les stations. Les étudiants sont davantage capables d’appréhender le rôle de chacun dans un projet global et collectif grâce à ce fonctionnement d’une grande flexibilité.
D’autres activités, comme par exemple prendre des photos à chaque rencontre puis les étudier, permettent de créer des souvenirs communs qu’ils peuvent mettre à contribution : les enfants doivent imaginer ce que la personne sur la photo éprouve, et s’exercent ainsi à développer leur empathie. Ils apprennent aussi à décrypter le langage corporel et les expressions du visage grâce aux jeux qui font travailler la communication non verbale. Par exemple, les jeunes détectives assemblent ensemble les rails d’un petit train en utilisant des signes de la main (comme le pouce levé ou baissé) et des expressions faciales qui reflètent l’approbation ou la désapprobation. Chaque réunion se termine par un temps de réflexion, pour mieux renforcer les résultats obtenus, former des souvenirs ensemble et attiser l’enthousiasme des élèves pour la séance suivante.
À la fin du semestre, les parents remplissent un formulaire d’évaluation. À la question « Votre enfant a-t-il développé des capacités relationnelles ou acquis des compétences en matière de travail en équipe ? », les parents d’un groupe passé récemment ont répondu ce qui suit :
Au fil des ans, comme les participants grandissaient et sortaient de la tranche d’âge visée, nous avons voulu développer de nouveaux projets pour continuer à les servir, eux et les autres adolescents souffrant d’autisme. En 2016, nous avons organisé des sessions à leur intention : intitulées Studio Underground, elles leur fournissaient un lieu où les passionnés de véhicules pouvaient se réunir pour partager leur passion à travers des activités et interactions sociales. L’événement a rencontré un grand succès. L’oncle de l’un des participants a indiqué au personnel du musée que son neveu autiste subissait des moqueries à l’école, car les trains constituaient son seul sujet de conversation, alors que les autres enfants n’étaient pas intéressés. Il était ravi de voir que Studio Underground avait mis à la disposition de son neveu un lieu exempt de jugements où il pouvait évoquer son sujet de prédilection auprès d’autres jeunes qui partageaient ses intérêts et connaissances.
L’enthousiasme soulevé par Subway Sleuths et par les autres programmes de ce type a poussé les musées et institutions culturelles à venir se renseigner auprès du Transit Museum sur la manière dont ils pourraient créer leurs propres programmes. C’est pourquoi le musée organisera une conférence d’une journée, le 1er mai 2017, pour toutes les organisations qui souhaiteraient mettre en place ce genre d’activités à destination des personnes autistes, ou améliorer celles qui existeraient déjà. Cette conférence comprendra des présentations et débats avec des scientifiques, thérapeutes, parents, éducateurs et militants.
Le succès rencontré par Subway Sleuths a renforcé notre conviction que les musées occupent une position unique leur permettant de mettre en place des activités extrascolaires pour les personnes atteintes de tous types de handicaps. L’école pose de nombreux problèmes aux enfants autistes pour diverses raisons. Ils ont donc besoin d’espaces positifs, spécialement conçus et à l’écart des pressions scolaires, qui leur permettent de nouer des liens avec leurs pairs et de les rendre plus confiants en eux-mêmes. Le New York Transit Museum s’évertuera toujours à servir les personnes de tous âges et atteintes de toute forme de handicap, ainsi qu’à servir de ressource pour ceux qui voudraient l’imiter.