Goabaone Montsho
Conservateur en ethnologie au Musée national du Botswana
Les musées n'ont pas de frontières,
ils ont un réseau
juin 6, 2020
Mots-clés : changement climatique ; Botswana ; musées communautaires ; sensibilisation ; médiation
Les institutions muséales des pays développés et en développement bénéficient d’une position sociale et culturelle qui leur permet de communiquer avec leurs publics, de les sensibiliser et de les inciter à changer leurs comportements pour lutter contre le réchauffement climatique. Dans les pays en développement, de nombreuses sociétés souffrent du changement climatique, qui affecte considérablement la durabilité des méthodes traditionnelles de subsistance, le plus souvent dépendantes des ressources naturelles. Pour répondre à ce problème, le Musée national du Botswana, à l’instar d’autres musées communautaires qu’il a pris sous son aile, comme les musées Tsodilo Hills et Kuru, concentrent leurs efforts sur la préservation du patrimoine culturel immatériel et matériel local le plus menacé d’extinction. Ils ont pour cela recours aux expositions, à la pédagogie, aux recherches et à la collaboration avec les communautés autochtones.
S’appuyer sur les connaissances traditionnelles et scientifiques pour sensibiliser
Le Musée national du Botswana se charge de promouvoir les méthodes de préservation autochtones écologiques. Traditionnellement, les communautés botswanaises utilisaient les plantes locales, le bois, la cendre ou encore la bouse de vache pour contrôler les invasions de nuisibles dans leurs champs, leurs lieux de stockage de nourriture, mais aussi leurs habitations. Présenter ces méthodes au sein du musée contribuerait peut-être à préserver la biodiversité et l’environnement sur le long terme. En effet, passer des pesticides toxiques pour l’environnement à une version plus écologique, participe à la sauvegarde de l’écosystème. Dans sa lettre d’information annuelle, The Zebra’s Voice, le musée propose une plateforme de discussion et de partage d’idées innovantes en lien avec les technologies vertes.
Les programmes éducatifs comme outils de sensibilisation
Les musées des pays en développement peuvent également utiliser leur capital culturel pour diffuser des messages relatifs au changement climatique auprès de leur public local, grâce à des expositions ou à des programmes d’information. Ainsi, le Musée national du Botswana mène un programme d’information ethnographique intitulé « Pitse ya Naga mo Maotwaneng » (« un zèbre en mouvement »). Son principe est le suivant : un conservateur organise des visites pédagogiques pour les écoles primaires des zones reculées du pays, afin de familiariser les élèves aux problèmes culturels et environnementaux, en abordant des sujets tels que les méthodes autochtones de conservation et de subsistance, l’écologie et l’art. Le but est de les sensibiliser et de leur inculquer le sens des responsabilités. C’est ce programme qui permet aux enfants de comprendre en quoi les méthodes modernes de consommation affectent leur environnement, contrairement aux techniques traditionnelles. Ils y apprennent que les effets secondaires du modèle économique actuel, basé sur la consommation, affligent la Terre.
Les musées, médiateurs sociaux des communautés locales
Les personnes qui vivent dans les zones les plus reculées du Botswana ont un accès très limité aux informations sur le changement climatique qu’on trouve dans les médias en ligne ou papier. C’est pourquoi les expositions thématiques illustrées peuvent jouer un rôle clé dans la transmission de l’histoire de la justice climatique, en présentant des artefacts et images pertinentes. Le concept même de changement climatique est peu compréhensible pour celles et ceux qui vivent dans des zones rurales. En effet, les termes scientifiques appropriés, tels que ‘empreinte carbone’, ‘couche d’ozone’, etc., n’existent souvent pas dans leur langue. Le rôle des musées est d’éliminer ces obstacles grâce à des partenariats de sensibilisation passés avec les communautés locales. Les méthodes pédagogiques traditionnelles peuvent être utilisées pour relayer ce message auprès des communautés locales du pays : par exemple, à l’origine, les connaissances étaient transmises par les contes et légendes qu’on se racontait le soir autour de feux de camp. Il est crucial que les musées communautaires puissent reproduire une mise en scène comparable en proposant des programmes dans lesquels les publics se rassemblent autour du feu pour écouter des récits sur la justice climatique et son impact sur les patrimoines locaux, puis, pour échanger sur ces sujets. C’est lors de ces événements qu’un consensus sur les stratégies culturellement pertinentes par rapport au changement climatique pourra être atteint.
Les réseaux sociaux et internationaux des musées botswanais leur permettent de se faire les défenseurs des communautés marginalisées, de devenir leur voix, de les représenter dans des questions de justice climatique, par exemple. En leur qualité d’agents des évolutions sociales, ils sont en mesure de rendre le débat sur le changement climatique plus accessible à l’ensemble des communautés, quelles que soient leurs différences culturelles.
Références et ressources :
James et Jocelyn Denbow. 1993. Uncovering Botswana’s Past. Botswana : Publication Gouvernementale.
National Museum, Galerie d’art et de monuments – Botswana (1988). The Zebra’s Voice, Vol. 2.
National Museum, Galerie d’art et de monuments – Botswana (1993). The Zebra’s Voice, Vol. 20, p. 20.
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