Les musées n'ont pas de frontières,
ils ont un réseau

Bernadine Bröcker Wieder

Directrice générale à Vastari

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Mots-clés :
Webinaires ; Expertise ; Conseils ; Enquêtes ; Sponsor
Image de couverture @Comic Sans/Getty

En mai et juin 2020, Vastari, une entreprise spécialisée dans les technologies qui facilitent les échanges d’expositions temporaires, a réalisé une enquête pour mieux comprendre les incertitudes quant aux expositions dans le monde post-pandémie. 50 dirigeants de musées y ont répondu, indiquant que des discussions informelles avec leurs confrères ainsi que les conseils officiels des organismes gouvernementaux étaient les principaux facteurs qui les aidaient à déterminer quels programmes d’exposition ils allaient mettre en place à l’avenir.

Question : quelle ressource vous a été la plus utile pour prendre une décision quant aux futures expositions ? (Cochez toutes les réponses applicables)

(Axe Y) Type de ressource :
  • Conversations informelles avec d’autres musées
  • Conseils officiels du gouvernement
  • Conversations formelles avec un autre musée
  • Enquêtes publiées par le secteur des musées
  • Articles publiés dans des revues ou des publications spécialisées
  • Conversations avec des fournisseurs
  • Nous prenons nos décisions en nous appuyant uniquement sur des informations internes
  • Préfère ne pas répondre

(Axe X) : pourcentages.

Enquête Vastari auprès des dirigeants de musées, « Programmation des futures expositions ». 50 directeurs, conservateurs ou employés chargés des expositions y ont répondu. Données internes non publiées, mai-juin 2020. © Vastari

Vastari aide les musées à planifier leur programmation en empruntant des œuvres à des collectionneurs privés ou à organiser des expositions itinérantes, activités qui étaient à l’arrêt depuis le début de la crise sanitaire. Comme de nombreux acteurs du secteur culturel, l’avenir de celui-ci nous préoccupait grandement. Cette enquête a soulevé davantage de questions qu’elle n’a apporté de réponses. Bien des membres de notre réseau, et notamment les professionnels des musées et les producteurs d’expositions, se sont non seulement demandé comment rouvrir en toute sécurité, mais aussi comment proposer une offre numérique et en tirer un revenu qui leur permettrait de survivre.

Vastari s’était concentré sur ces deux derniers points, les neuf années passées. Alors même qu’elle concevait des techniques innovantes permettant aux musées d’entrer en contact virtuel avec des propriétaires d’œuvres, tels que des collectionneurs et des producteurs d’expositions, notre équipe devait également identifier les utilisateurs précoces, c’est-à-dire des clients qui se montreraient réceptifs à une nouvelle offre et seraient prêts à payer pour l’obtenir. Elle avait ensuite pour mission de développer un produit connexe pour le marché, qui respecterait l’approche déontologique de notre secteur, même lors du processus de numérisation. Pouvions-nous avoir recours aux méthodologies dont les startups sont friandes pour développer nos produits et mettre à profit les connaissances accumulées, dans le but d’aider nos clients à gérer ces nouvelles conversations virtuelles ?

Digi-What?

Nous avons commencé par lancer une série d’événements en ligne, intitulée « Digi-What? » (Numéri…quoi ?), en collaboration avec Joël Kremer, de Moyosa Media/the Kremer Collection et Anaïs Aguerre, de Culture Connect. Notre trio a invité un groupe de professionnels des musées triés sur le volet à participer à trois tables rondes sur l’avenir du numérique au sein des musées. Le projet n’était pas sans risque : nous n’avions encore jamais organisé ce genre d’événements, même si nous avions déjà eu l’occasion de travailler ensemble. Joël et moi-même avions ainsi proposé un atelier pour les startups et les musées lors de l’édition 2019 de We Are Museums à Katowice, en Pologne. En 2018, avec Anaïs, nous avions travaillé sur un panel consacré à la reproduction et au projet ReACH, du musée V&A, dans Cromwell Place à Londres. Nous n’avions cependant aucune expérience en matière d’événements internationaux en ligne. C’est pourquoi nous avons préféré commencer à petite échelle.

Les participants ont été conviés à une réunion Zoom à la structure assez ouverte : après une brève présentation, tous pouvaient émettre des commentaires. Ces conversations numériques ont servi de « bac à sable » en laissant les participants appréhender les différents nouveaux formats. Les premières étaient assez informelles, car nous devions encore nous habituer à cette nouvelle façon d’échanger et de trouver des idées pour identifier des solutions réalistes à de véritables problèmes.

Parfaire l’offre

Ce concept où nous ne modérions pas les discussions a somme toute rapidement évolué en un format plus formel qui favorisait l’implication et l’apprentissage. Après à peine quelques semaines, notre communauté nous demandait de poursuivre l’aventure et de creuser plus les sujets pour mieux les comprendre. Nous avons donc envoyé une enquête aux participants, qui nous a appris qu’ils souhaitaient que les experts prennent davantage la parole, tout en conservant la possibilité de poser leurs propres questions.

En septembre 2020, Vastari a lancé une section ‘Webinaires’ sur son site internet, à laquelle tous les membres de la plateforme peuvent accéder gratuitement. On y trouve les enregistrements des discussions de « Digi-What? » ainsi que nos nouveaux webinaires, « Vastari Connects », encore en cours de publication. Par chance, alors même que les flux de revenus traditionnels ont été affectés par la pandémie, nous avons pu trouver des sponsors prêts à financer des discussions de ce type. L’engagement avec la plateforme a augmenté, tandis que la durée moyenne des visites sur le site est passée de neuf minutes au quatrième trimestre 2019 à 56 minutes un an plus tard.

Durée moyenne des visites (minutes). © portal.vastari.com

Effets réseau

Quelques mois après l’expérience « Digi-What? », Culture Connect a proposé un programme ambitieux aux intervenants prestigieux pour le Louvre Abu Dhabi, « Reframing Museums » (Repenser les musées). En novembre et décembre 2020, un autre participant à « Digi-What? », l’ancien directeur de musée et employé du ministère de la Culture maltais Sandro de Bono, a organisé des conversations numériques à l’université de Malte, en lieu et place de la conférence biennale inaugurale, MUŻE.X. Plusieurs penseurs de poids y ont pris la parole, comme Diane Drubay, de We are Museums, Seb Chan d’ACMI, Nina Simon de l’organisation OF/BY/FOR ALL ou encore Mike Murawski, du forum Art Museum Teaching.

Vastari n’est pas la seule organisation à s’être trouvé un tout nouvel intérêt pour les discussions en ligne en cette période. Les professionnels ont pu bénéficier d’autres séries de webinaires très utiles en ces temps compliqués : celle de Cuseum, sur l’engagement du public et la technologie ; « Artevolve », par Articheck, sur les innovations technologiques ; et la série « Future of the Art Market », par Creative United, en collaboration avec Creative Scotland. Enfin, le génial événement We are Museums a collaboré avec le salon Museum Connections et l’ambassade française, afin d’héberger les réunions en ligne « The Lab: Making Sense of Immersion in 2021 ». Celles-ci affichaient les contributions de producteurs de contenu et d’institutions culturelles internationales.

Mettre en valeur l’expertise

Ces conversations numériques ont permis à notre secteur de connecter, assimiler et surmonter les diverses évolutions et crises provoquées par la pandémie et les confinements associés. En outre, elles ont prouvé combien il est important de prendre le temps d’absorber ces informations cruciales sur le fonctionnement du secteur. Les participants ont saisi cette occasion de prendre du recul sur les expositions, les événements, les programmes éducatifs et les collectes de fonds en présentiel pour réfléchir et se repositionner. Ces discussions ont par ailleurs été l’occasion pour des fournisseurs et sponsors d’entrer en contact avec la communauté.

Quant à moi, cette période de pause et de réflexion m’a permis de prendre le temps de songer à ce que les musées ont « à vendre » et aux processus qu’ils monétisent. Certains éléments ont une valeur monétaire, notamment les coûts liés aux expositions itinérantes ; d’autres, comme les emprunts aux collectionneurs privés, ont avant tout une valeur culturelle commune. J’ai ainsi compris que ces discussions en ligne avaient illustré toute l’expertise qu’abritent les musées en leur sein et, par contraste, combien la valeur monétaire associée à toutes ces connaissances, cette expérience et cette créativité, est faible.

Pourquoi les intervenants et les contributeurs aux conférences sur les musées sont-ils majoritairement bénévoles ? Pourquoi les experts ne reçoivent-ils aucune compensation lorsqu’ils viennent sur les plateaux télévisés ? Ces discussions peuvent-elles permettre de générer de la valeur monétaire, à une période où le secteur en a plus que jamais besoin ? Les objectifs de Vastari pour 2021 seront de trouver comment transformer ce partage d’expertise issu de discussions informelles entre amis en générateur de revenus pour les musées, soulignant ainsi tout l’intérêt de leurs connaissances.

Les personnes qui souhaitent participer aux sessions de webinaires de Vastari peuvent se rendre sur la section « Keep Calm and Carry On » du site internet.

Références et ressources

Site internet de Vastari : https://www.vastari.com/

Pour plus d’informations sur le terme marketing « utilisateur précoce » (early adopters) : https://blog.hubspot.com/marketing/early-adopters#:~:text=Early%20adopters%20are%20the%20first,the%20technology%20or%20product%20mainstream

Webinaires de Vastari Connects, « Keep Calm and Carry On » : https://landing.vastari.com/keep-calm-and-carry-on-web-series

Chaîne Youtube « Reframing Museums » du Louvre Abu Dhabi : https://www.youtube.com/channel/UCUx_x8ALpnlZh7d9w8SZJqg/featured?app=desktop

La conférence biennale qui débat de l’avenir des musées, « Shaping Museum Futures », par le campus Valletta de l’université de Malte : https://www.museumfutures.net/

Pour en savoir plus sur les webinaires de Cuseum : https://cuseum.com/webinars

Pour en savoir plus sur les webinaires d’ArtEvolve : https://www.articheck.com/artevolve-weekly-webinar-series/

La série « Future of the Art Market » : https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=yaCbXWw8R7w&list=PLwJm6DgfBpQ69nDYya9TDV0RGNQeI8Sqy

L’épisode 1 de la série « The Lab: Making Sense of Immersion in 2021 » : https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=LUxIm7NcL8Q