Lorenz Kampschulte et al.
directeur du service éducation, Deutsches Museum, Munich
Les musées n'ont pas de frontières,
ils ont un réseau
septembre 27, 2021
Lorenz Kampschulte, directeur du service éducation, Deutsches Museum, Munich
Frank Usbeck, conservateur des collections américaines, collections d’art d’État de Dresde, et des collections ethnographiques d’État de Saxe, Leipzig
Lorena Bradford, directrice de l’accessibilité des programmes, National Gallery of Art, Washington, D.C.
Katja Zelljadt, service international, Leibniz Research Museums, Berlin
Mots-clés : Développement professionnel ; Echanges transatlantiques ; Collaboration ; Pandémie de Covid-19
Premier contact
En novembre 2019, Fulbright Germany, la Leibniz Association et la Smithsonian Institution ont organisé un séminaire en présentiel à Washington, D.C. : « Museums as Spaces for Social Discourse and Learning » (Les musées, lieux d’échanges et d’apprentissage sociaux). Cet événement sur quatre jours a ainsi réuni 26 conservateurs, éducateurs et professionnels des musées, des sites historiques et d’autres institutions culturelles. Les participants, venus d’Allemagne et des États-Unis, ont étudié les musées en leur qualité de lieux d’échanges et d’apprentissage sociaux, et donc, par extension, d’institutions essentielles pour les démocraties. L’objectif de ce séminaire était de renforcer la compréhension internationale, tout en favorisant la formation pratique de ces professionnels, l’échange de savoir-faire exemplaires et l’établissement de liens durables entre pairs influents du secteur des musées.
Consolider nos liens
Une fois le séminaire terminé, nous avons rédigé ensemble un numéro spécial du Journal of Museum Education, publié en mars 2021. Travaillant en plusieurs équipes transatlantiques, nous nous sommes penchés sur des problèmes communs, selon diverses approches nationales. Les sujets traités allaient de l’amélioration de la compréhension transatlantique (en créant un « dictionnaire » des termes de muséologie dont le sens n’est pas tout à fait le même dans les deux pays), jusqu’au rôle de la diversité, de l’équité, de l’accessibilité et de l’intégration dans les expositions, en passant par les programmes publics et le rapatriement. Nous nous sommes également intéressés à la raison pour laquelle certaines personnes ne visitent pas les musées, que ce soit aux États-Unis ou en Allemagne, et interrogés sur la façon dont la coopération et la collaboration entre les musées et d’autres institutions, notamment les universités, les ONG ou les entreprises, peuvent générer des changements dans les musées. Le but de ce numéro spécial était non seulement de partager quelques-unes de nos discussions avec un plus vaste public, mais aussi d’apprendre de plusieurs exemples pratiques.
L’entraide entre les musées et avec les communautés
C’est lorsque les participants au séminaire de 2019 se sont rencontrés virtuellement pour la session « Transatlantic Seminar for Museum Curators and Educators – Museums in Post-pandemic Times » (Séminaire transatlantique pour les conservateurs et les éducateurs des musées : les musées à l’ère post-pandémie), en avril 2021, qu’ils ont compris tout l’intérêt de notre collaboration et de notre approche axée sur les pratiques. Nous avons alors évoqué en quoi les musées avaient été touchés par la pandémie, étudié les écarts sociétaux apparus clairement les 18 derniers mois, et envisagé de possibles mesures. Alessandro Gaballo, chargé de communication à l’ICOM, a présenté un résumé des résultats de l’enquête menée par l’association à l’automne 2020 (« Enquête de suivi : l’impact de COVID-19 sur le secteur des musées », 2020). Les résultats venaient confirmer en quoi les différences économiques, sociétales et financières ont affecté les musées dans un contexte transatlantique. Selon leurs sources de financements, les musées individuels ont été diversement impactés, tout comme leurs perspectives à court ou à long terme.
Notre plus grand avantage était la diversité de notre groupe ; nos points de vue individuels ont mis en avant des problèmes d’ordre international, comme la question du soutien aux jeunes activistes, qui nous semble cruciale pour former des réseaux et servir nos communautés. Par ailleurs, nos conversations ont fait émerger de nouvelles idées et possibilités d’entraide. Ces échanges internationaux continus nous ont permis de comparer les structures gouvernementales transatlantiques, les politiques culturelles, les plans de financement, les perspectives d’emploi et les populations de visiteurs des musées. Le groupe a également dégagé des idées grâce au partage d’expériences entre les petites et les grandes institutions, les sources de financement publiques et privées, les différentes responsabilités professionnelles (la conservation, l’éducation, le développement de programmes, etc.) et l’apprentissage transdisciplinaire entre les musées des sciences, d’art, d’histoire ou encore d’anthropologie.
Créer de la pertinence à une époque de changements sociaux
Compte tenu des pressions sociales et politiques dues à la pandémie, notre groupe a convenu que les musées pouvaient être considérés comme des « aidants sociaux culturels ». De nombreuses institutions choisissent de combiner leurs ressources, leurs compétences, leur infrastructure et leur engagement à servir les communautés en difficulté en cette période de crise. Pour cela, elles peuvent tout à fait collecter des œuvres, décomposer et transmettre des connaissances essentielles, fournir des espaces sécurisés pour les discussions communautaires (en ligne et sur site), ou encore proposer une offre éducative et de divertissement. Ces projets en ligne possèdent le potentiel de soulager le stress en ces moments difficiles.
Les réponses nombreuses et variées des musées à cette situation sans précédent ont apporté une nouvelle perception de leur avenir. Avant la pandémie déjà, nos institutions respectives avaient commencé à se pencher sur divers sujets : changement climatique, écologie, décolonisation, racisme, développement urbain et gentrification, aussi bien au sein de nos organisations que de nos communautés. Cette nouvelle situation nous a permis de pousser nos réflexions davantage.
Développer des programmes en temps de pandémie
Les restrictions sanitaires n’ont pas empêché nos musées de proposer des programmes et des projets innovants et créatifs, pour mieux susciter l’implication des visiteurs tout en les reliant les uns aux autres, ainsi qu’à nos collections. Les programmes existants sont alors devenus des espaces virtuels, des plateformes en ligne dotées de nouveaux outils numériques. Néanmoins, quelques événements en présentiel ont pu être organisés, en conservant des distances de sécurité. En voici quelques exemples :
Ces « programmes conçus pour des temps désespérés » ont révolutionné l’éducation muséale. Ainsi, en associant offre en ligne et sur place, les musées sont en mesure d’atteindre une plus grande diversité de publics. Grâce aux formats en ligne, nous pouvons nous connecter à des personnes qui ne seraient sinon pas à même de venir sur site, car elles vivent trop loin, n’ont pas le temps, sont confrontées à la barrière de la langue ou souffrent de handicaps. En outre, les activités virtuelles constituent autant de nouveaux emplois pour des éducateurs des musées aux expériences et aux compétences plus variées et venant de différents endroits. Pour résumer, les musées peuvent ainsi toucher une communauté plus vaste, ce qui accroît leur pertinence pour la société.
Une autre rencontre en présentiel, cette fois-ci en Allemagne, devrait s’organiser dès que les ressources financières seront disponibles et que la situation sanitaire le permettra. En attendant, un Stammtisch (tablée des habitués) est organisé par le groupe tous les deux mois, afin de poursuivre les discussions, de suivre les nouvelles tendances et de promouvoir l’échange transatlantique d’idées.
Références et ressources
Fulbright Germany. 2019. ‘Museums as Spaces for Social Discourse and Learning. Transatlantic Seminar for Museum Curators and Educators, Novembre 2019’, Fulbright Germany. Disponible sur : https://www.fulbright.de/projects-and-initiatives/deutschlandjahr-usa/seminar-for-museum-curators
ICOM. 2020. « Enquête de suivi : l’impact de COVID-19 sur le secteur des musées » . Disponible sur : Enquête de suivi : l’impact de COVID-19 sur le secteur des musées – ICOM – ICOM
Junk Hatcher, S. et Kampshulte, L. 2021. ‘Shared Challenges? Transatlantic Perspectives on Museums in the US and Germany’, Journal of Museum Education, Vol. 46, n°1. Disponible sur : chttps://www.tandfonline.com/toc/rjme20/46/1?nav=tocList