Les musées n'ont pas de frontières,
ils ont un réseau

Daniela Renata Lazcano-Silva ; Wilma Virginia Angulo Veizaga

diplômée en marketing et logistique, spécialisée en marketing des services. Responsable de l’Unité de Diffusion et d’Éducation environnementale, Museo Nacional del Historia Natural, La Paz, Bolivie ; diplômée en biologie. Éducatrice en environnement, Museo Nacional del Historia Natural, La Paz, Bolivie

Mots clés : éducation environnementale, biodiversité, enseignement-apprentissage, dialogue, patrimoine naturel et culturel

El Museo Va A Tu Escuela [Le musée vient à ton école], un projet d’éducation environnementale mené par le Museo Nacional del Historia Natural de Bolivie qui s’adresse aux élèves du primaire, âgés de 10 à 12 ans ainsi qu’aux élèves du secondaire de 15 à 18 ans.

El Museo Va A Tu Escuela, un projet extra-muros fondé sur un échange direct entre le musée et les élèves

C’est en 2015 que débute le projet « Conoce más de nuestra riqueza natural: El Museo Va A Tu Escuela » (EMVATE) [Connaître un peu mieux notre richesse naturelle : Le musée vient à ton école]. Cette initiative du Museo Nacional del Historia Natural de Bolivie (MNHN) a été développée par son Unité de Diffusion et d’Éducation environnementale (UDEA).

Le projet EMVATE vise à renforcer l’appréciation du patrimoine naturel et à élargir le champ des connaissances sur l’immense richesse naturelle de la Bolivie dans le domaine de la paléontologie, de la faune et de la flore. L’objectif est de sensibiliser les élèves à la beauté de ce pays qui – en raison de sa position géographique privilégiée entre les Andes et l’Amazonie – est extrêmement varié, et au sein duquel coexistent donc plusieurs écosystèmes bien distincts : l’altiplano, le chaco (plaines boisées), les vallées, les zones tropicales et la région amazonienne.

Jusqu’au mois de décembre 2023, le projet a été mis en place dans 50 centres éducatifs appartenant aussi bien à des milieux urbains qu’à des milieux ruraux ; un total de 3 075 élèves a ainsi pu bénéficier de cette expérience éducative et créative.

Deux groupes d’âge ont participé à cette expérience : au niveau primaire, des élèves âgés de 10 à 12 ans, qui ont reçu des cours théoriques et pratiques ; et au niveau secondaire, des élèves âgés de 15 à 18 ans, qui ont été encouragés à récupérer des savoirs ancestraux, et ce en utilisant notamment les nouvelles technologies.

Fig. 1. Travaux réalisés dans le centre éducatif Chojasivi, de la communauté de Chojasivi du village de Pucarani, lac Titicaca, La Paz, Bolivie. Zone rurale (2022). ©MNHN

Le projet éducatif : supports et méthodes

Les enfants et les adolescents ont l’occasion d’échanger entre eux par le biais de cours dédiés à l’éducation environnementale et consacrés à des thématiques programmées en amont. L’objectif de ces cours est de promouvoir la connaissance de l’histoire paléontologique de la planète, la conservation de la diversité biologique actuelle et la diversité culturelle de la Bolivie.

Le projet éducatif d’EMVATE est dispensé chaque semestre sur 4 séances d’une heure (une par mois). Son succès est directement lié à l’engagement des professeur·es qui accompagnent le personnel du musée et encouragent leurs élèves à participer activement au projet.

Groupe 1 (10-12 ans) : des activités didactiques sont organisées, et le recyclage des matériaux est encouragé. Au cours de certaines séances sont utilisés des objets des collections didactiques du musée, et ce dans un but sensoriel : l’objectif est de toucher, d’interagir et d’observer de près.

Fig. 2. Des élèves travaillant sur un échantillon éducatif de tatou des Andes (Chaetophractus nationi) et sur les activités de la séance. Centre éducatif 16 de Julio de la ville de San Buenaventura, province d’Abel Iturralde, région amazonienne, La Paz, Bolivie. Zone rurale (2023). ©MNHN

À la fin de chaque séance, un « résumé créatif » est établi ; il sert d’évaluation qualitative en représentant les connaissances que les élèves ont assimilées. Lors de la dernière visite, une évaluation sur le projet est réalisée afin de mesurer l’impact qu’a eu EMVATE et le degré de curiosité que le projet a suscité chez les élèves et les professeur·es.

Fig. 3. Exemples de travaux d’élèves du centre éducatif República Federativa del Brasil, La Paz, Bolivie. Zone urbaine. Thème du cours : « Journée de l’arbre » (2023). ©MNHN
Fig. 4. Exemples de travaux d’élèves du centre éducatif San Fernando, La Paz, Bolivie. Zone urbaine. Thème du cours : la tortue de l’Amazone à taches jaunes (Podocnemis unifilis) (2023). ©MNHN

Une approche adaptative pour l’éducation environnementale

Groupe 2 (15-18 ans) : En 2022, afin d’encourager la recherche, l’esprit critique et la créativité, le projet a été enrichi grâce à partir de l’élaboration d’un journal de bord et de contenus audiovisuels : ceux-ci permettent de comprendre les problématiques environnementales actuelles, d’enquêter sur la biodiversité présente et passée et, dans le même temps, de récupérer les souvenirs et les savoirs ancestraux ou culturels liés à la biodiversité (médecine, gastronomie, traditions, etc.).

Avec ce groupe d’âge, l’objectif est de renforcer les connaissances académiques, de développer les aptitudes sociales et communicatives et de favoriser la mise en place d’espaces de libre expression, tout en se servant des technologies de l’information et des communications (les TIC) et en appliquant le concept de science citoyenne (à travers l’application iNaturalist).

Le projet a pris fin en 2023. Les élèves ont reçu à cette occasion un livret éducatif présentant 56 espèces prioritaires de la faune bolivienne. Ces 56 espèces ont été sélectionnées pour leur importance écologique et en raison de leur inscription dans la catégorie des espèces menacées d’extinction, en accord avec un ensemble de politiques nationales (le PDES, le Plan de développement économique et social, 2021-2025). Des bénévoles de l’UDEA du Musée national, étudiants du cycle universitaire, ont participé à l’élaboration de ce document, qui est ainsi devenu une manière de plus de mettre en relation les jeunes.

Fig. 5. Des élèves des centres éducatifs Sergio Suárez Figueroa et General José de San Martín, La Paz, Bolivie. Zone urbaine (2023). ©MNHN

Conclusion : renforcer les espaces d’enseignement et d’apprentissage

Le projet EMVATE a donné lieu à des processus d’apprentissage dynamiques et adaptatifs, une évolution et une consolidation rendues possibles grâce aux différents acteurs qui ont participé au projet au fil du temps : le personnel du MNHN, les centres éducatifs, les professeur·es et les élèves, et avec le soutien inconditionnel de l’équipe des bénévoles du musée.

Vivre ces expériences enrichissantes a permis aux enfants et aux jeunes de créer des souvenirs positifs qui peuvent ensuite se traduire par des actions concrètes (ils peuvent, par exemple, partager ce qu’ils ont appris avec leur famille et leur entourage, ou pratiquer activement la science citoyenne à travers des registres de biodiversité). Ainsi, les nouvelles connaissances ouvrent des espaces de dialogue, en même temps que sont acquises des aptitudes pratiques et sociales, que sont encouragées la recherche, la prise de responsabilité ainsi qu’une attitude de respect et de complémentarité avec la nature, dans l’espoir de construire des sociétés meilleures.

Comme le prouve sa démarche, le MNHN s’efforce, grâce au dialogue et à l’échange d’aptitudes dans les milieux scolaires, de revaloriser le patrimoine naturel et culturel et de renforcer son étude, sa conservation, le respect et la protection des différentes formes de vie, tout en récupérant les savoirs ancestraux et d’autres formes de création de savoir.

Le MNHN est une institution scientifique de recherche, de préservation et de protection du patrimoine naturel et culturel bolivien, qui contribue à la durabilité de tous les composants, des zones et des systèmes de vie de la Terre mère, à travers

  • le développement et la gestion des collections scientifiques concernant la faune, la flore et les fossiles ainsi que les informations qui y sont associées ;
  • la création et la mobilisation des connaissances scientifiques ;
  • la documentation, la récupération et la préservation des savoirs locaux et des connaissances ancestrales ;
  • et enfin l’éducation environnementale et paléontologique.

Pour cela, le MNHN se base sur les principes d’intégrité, du dialogue entre les savoirs, de la justice sociale et de la diversité, promouvant en particulier un meilleur accès des filles et des femmes à la science afin de réduire les inégalités persistantes.

www.mnhn.gob.bo

Coauteurs : Claudia Fabiola Cortez Fernández, Michelle Ponce Silva, Dagner Salvatierra López, Hugo Aranibar-Rojas ‒ Chercheur·euses indépendant·es