Les musées n'ont pas de frontières,
ils ont un réseau

« Conservation, gestion et sécurité des collections; protection du personnel et gestion des musées, des bibliothèques et des archives pendant la crise du COVID-19 »

Considérant la crise humanitaire engendrée par la pandémie de COVID-19 dans l’ensemble du monde et la décision de gouvernements de fermer un certain nombre d’institutions,

Reconnaissant l’impact de la crise sur les institutions de mémoire, les établissements culturels, les musées, les archives et les bibliothèques,

Comprenant la nécessité d’adopter des mesures et des stratégies pour assurer la préservation des collections protégées par ces institutions,

Affirmant qu’il est impératif de protéger tous les professionnels qui travaillent dans ces institutions, tout comme le public,

Cette recommandation émise par les membres du Comité national brésilien (ICOM Brésil) souhaite définir les lignes directrices suivantes pour l’ensemble de la communauté :

1. En ce qui concerne la coordination des actions :

Chaque institution doit former une équipe interne qui coordonnera les actions à mettre en place et les communiquera au personnel interne et externe. En cas de confinement, cette équipe doit obtenir l’accord des autorités locales pour qu’un membre de l’institution inspecte les lieux chaque semaine, accompagné par un sapeur-pompier ou un officier de police. Elle doit également préparer et publier une liste de personnes à contacter en cas d’urgence. Enfin, la direction doit étudier les questions financières avec l’administration publique et des sponsors, associations et/ou fondations, pour que l’institution puisse survivre pendant la quarantaine.

2. En ce qui concerne les professionnels à risque :

En raison de la vulnérabilité des populations à risque (personnes de plus de 60 ans, diabétiques ou obèses, souffrant d’hypertension, de maladie cardiovasculaire, d’insuffisance respiratoire ou rénale chronique, femmes enceintes ou allaitantes, personnes sous immunodépresseurs, ayant reçu une transplantation ou sous traitement pour un cancer, ainsi que celles montrant des symptômes du Covid-19 ou vivant avec des proches dans cette situation) et conformément aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les institutions doivent établir une liste des personnes concernées, décider de leur isolement et leur demander de ne plus se venir sur place pendant toute la durée de la pandémie, afin de respecter leurs droits.

3. En ce qui concerne les équipes chargées des tâches quotidiennes

Compte tenu de la nécessité d’assurer les services de base (nettoyage, sécurité), nous conseillons aux institutions d’établir un planning pour ces tâches, ainsi qu’une routine pour l’inspection et la surveillance des collections, en veillant à ce que les professionnels utilisent bien l’équipement de sécurité et appliquent les mesures nécessaires : gants et masques, lavage des mains avec du gel hydroalcoolique à 70 degrés ou avec du savon et de l’eau, fournis par l’institution.

4. En ce qui concerne les sous-traitants

Les recommandations définies aux points 2 et 3 s’appliquent aussi aux sous-traitants. La direction de l’institution et celle de l’entreprise qui emploie ces personnes doivent s’engager à prévoir des horaires spéciaux pour les équipes et à leur fournir des consignes relatives aux mesures de sécurité.

5. Planification des tâches quotidiennes, des inspections et des horaires des équipes

Chaque institution doit instaurer un plan pour les tâches quotidiennes et les inspections, de façon à assurer la sauvegarde des collections exposées, mises en réserve et présentes dans les salles de consultation, les laboratoires et les ateliers. Ce plan doit décrire les activités essentielles et déterminer quelles sont les tâches concernées ou les horaires des équipes, en limitant le nombre de personnes exposées et en veillant à mettre en place une alternance entre les professionnels. L’institution doit demander à ces équipes chargées du nettoyage, de la sécurité et de l’inspection de signaler tout problème à l’équipe de coordination : atteinte biologique, problèmes au niveau du bâtiment, etc. y compris ceux identifiés par la surveillance à distance.

6. Plan de communication interne

Toutes les actions doivent être organisées et s’appuyer sur un plan de communication interne établi par une personne ou une équipe désignée par la coordination, et communiqué à l’aide des technologies de l’information disponibles : téléphones mobiles, réseaux sociaux, réunions en ligne et courriels. Toutes les actions et décisions prises doivent être consignées dans un rapport, qui pourra être consulté ultérieurement. Il sera ainsi possible d’évaluer l’efficacité de ces mesures, dans cette situation inédite.

7. Plan de gestion des risques et procédures relatives à l’équipe de maintenance : maintenance du bâtiment

Les institutions doivent se préparer à promouvoir, auprès de l’équipe chargée de la maintenance, qu’elle soit interne ou externe, une gestion du bâtiment basée sur l’identification des urgences : infiltrations, fuites, infestation biologique ou microbiologique, pannes électriques. Elles doivent également demander que le nettoyage des gouttières et un élagage minimal des plantes soient réalisés, sans oublier une inspection des lieux. Les tâches non urgentes, comme les rénovations, la peinture ou les petits réglages, doivent être reportées.

8. Plan de gestion de la maintenance : climatisation, déshumidificateurs et contrôle des paramètres de l’environnement

Les institutions doivent poursuivre la gestion des paramètres de l’environnement (sur place ou à distance), ainsi que la maintenance de l’équipement de contrôle. Les systèmes centraux, à répartiteurs ou individuels, tels que les humidificateurs ou déshumidificateurs, doivent rester allumés, pour éviter toute variation brutale de la température et de l’humidité dans des environnements stabilisés. Il est cependant essentiel de faire en sorte que l’inspection périodique (telle qu’indiquée au point 1) soit réalisée par une personne ou une équipe, selon le planning, par exemple pour changer les filtres ou vider l’eau des bacs. L’équipement qui n’affecte pas la stabilité de l’environnement doit rester éteint pour éviter tout risque d’incendie.

9. Plan de gestion des risques et procédures en cas d’incendie, d’inondation ou de catastrophe naturelle

Si l’institution ne dispose pas d’un plan de gestion des risques, alors les équipes chargées du nettoyage, de la sécurité et de l’inspection doivent pouvoir s’appuyer sur des consignes écrites sur les actions à entreprendre en cas d’incendie, d’inondation et de catastrophe naturelle. La coordination mise en place conformément au point 1 doit indiquer les personnes internes à contacter (numéro de téléphone et courriel), ainsi que le numéro de téléphone du service de sapeur-pompier le plus proche, en enjoignant aux équipes de les appeler en cas d’urgence ou d’événement inhabituel. Les institutions n’ayant pas d’équipe permanente chargée de la sécurité devraient demander de l’aide à leur communauté et leurs partenaires locaux, pour que ceux-ci signalent les problèmes qui pourraient survenir lors du confinement.

10. Plan de gestion des risques et protocoles de protection contre les vols

Les zones abritant des collections doivent être verrouillées et leur accès doit être limité, avec un contrôle des clés. Si l’institution possède un système de surveillance à distance, alors il devra être utilisé par les personnes désignées préalablement. Celles-ci devront conserver des enregistrements des déplacements effectués au sein des zones à accès limité. En fonction du type d’alarme installé, les institutions n’ayant pas d’équipe chargée de la sécurité doivent demander de l’aide à leur communauté et leurs partenaires, pour que ceux-ci signalent les problèmes qui pourraient survenir lors du confinement. Les problèmes de sécurité ou de vols doivent être immédiatement remontés à la coordination, qui en fera part à la police et contactera les autorités municipales, régionales ou nationales. Ce signalement doit être réalisé en utilisant les nombreux moyens de communication disponibles, de façon à aider à identifier et à récupérer les biens volés. L’institution doit demander à l’équipe chargée de la sécurité interne ou externe de signaler tout problème à la coordination.

11. Plan de gestion du nettoyage

Le nettoyage régulier doit se poursuivre, avec des équipes réduites. Il est crucial que l’institution limite le nombre de pièces utilisées (notamment les sanitaires), et organise un planning de travail dans lequel le nombre de professionnels présents simultanément sera restreint. Il est conseillé de procéder au nettoyage de l’ensemble des pièces une fois par semaine. L’institution doit demander aux équipes chargées du nettoyage internes ou externes de signaler tout problème à l’équipe de coordination : atteinte biologique, problèmes au niveau du bâtiment, etc.

12. Plan de gestion et procédures relatives à la réserve et aux zones de garde

– Réaliser des visites d’inspection une fois par semaine, dans l’idéal, en alternant entre les membres de l’équipe qui connaissent la collection et travaillent avec celle-ci au quotidien.

– Débrancher un maximum d’équipements électriques et contrôler l’état de l’installation s’il faut procéder à la maintenance d’appareils branchés, comme indiqué au point 8.

– Contrôler le volume des réservoirs des déshumidificateurs, évaluer l’approvisionnement en eau, redimensionner le nombre d’équipements dans les salles, etc.

– Éteindre les lumières ou conserver un éclairage minimal, si les caméras de sécurité ont besoin de luminosité.

– Inspecter les filtres des climatiseurs centraux et consulter le technicien responsable quant à la possibilité de mettre en place un processus automatique avec une « température seuil », plutôt qu’une « valeur de réglage », afin d’économiser de l’énergie.

– Évaluer la nécessité réelle d’autoriser l’accès à des personnes qui ne peuvent habituellement pas pénétrer dans la réserve.

– Inspecter l’environnement à la recherche d’infiltrations, puis déplacer les œuvres et les meubles loin de la zone humide, si possible, ou recouvrir ceux-ci d’un film plastique (dans le cas des cartothèques et dossiers d’archives suspendus, impossibles à retirer).

– Inspecter l’environnement et les œuvres les plus fragiles à la recherche de signes d’atteinte biologique (moisissures, insectes).

– Contrôler le taux de poussière, ainsi que l’humidité et la température de la réserve.

– Évaluer les activités réalisées dans le cadre du nettoyage régulier.

– Si nécessaire, nettoyer le sol avec de l’alcool à 70 degrés, en prenant grand soin de ne pas abîmer les collections. Si possible, retirer les chaussures et utiliser des surchaussures jetables pour pénétrer dans les zones de garde et dans la réserve.

– Ne pas manipuler les collections. Des personnes formées peuvent, et uniquement en cas d’extrême nécessité, procéder au nettoyage mécanique des objets et des œuvres.

– En cas d’urgence, déplacer les collections ou les meubles vers la réserve en les isolant dans des protections pendant quatorze jours ou en les faisant désinfecter par des professionnels qualifiés, conformément aux recommandations relatives à la sécurité définies au point 3.

13. Recommandations relatives aux expositions : expositions permanentes, désassemblage et assemblage des expositions temporaires

– Limiter l’accès aux zones des expositions permanentes.

– Si nécessaire (selon le type de fenêtres, le taux de poussière, l’éclairage, etc.), recouvrir les fenêtres de tissus non tissés (textile non tissé, Tyvek, Reemay, etc.) ou de tissus poreux (coton, lin, etc.), à retirer pendant les inspections.

– Éteindre les lumières ou conserver un éclairage minimal, en bloquant toute source de lumière naturelle.

– Inspecter et nettoyer régulièrement les installations, conformément aux points précédents.

– Contrôler que les lieux et les meubles ne posent pas de problème de sécurité et, si nécessaire, transférer les pièces de collection les plus précieuses vers la réserve.

– Éviter les activités qui nécessitent la présence de nombreuses personnes, comme l’installation et le démantèlement d’expositions temporaires, en convenant avec les institutions concernées d’un nouveau calendrier, selon les accords de coopération passés.

– Conserver une liste des œuvres exposées, conformément aux consignes et aux procédures de sécurité internes, en précisant bien les plus vulnérables et les plus fragiles.

14. Recommandation relative aux œuvres en atelier ou en laboratoire

Les œuvres, objets, artefacts et documents présents dans les laboratoires et dans les ateliers doivent être rapportés à la réserve ou dans les meubles de stockage. S’il est impossible de procéder à leur transfert, alors ils doivent être recouverts de tissus non tissés (textile non tissé, Tyvek, Reemay, etc.) ou de tissus poreux (coton, lin, etc.), et protégés de la lumière et de la poussière. Les activités de conservation ou de restauration doivent être interrompues pour le moment, à l’instar des recherches scientifiques.

15. Recommandations relatives aux prêts, à la recherche et au retour vers les institutions prêteuses

– Les recherches et les prêts ne doivent plus être autorisés lors de la quarantaine. Les retours doivent faire l’objet d’un accord entre les institutions dès la reprise des activités. Le statut des objets en transit doit être évalué au cas par cas.

– Suspendre les déplacements et évaluer le calendrier des prêts prévus jusqu’à ce que la situation revienne à la normale.

– Collaborer avec les employés des institutions auxquelles des œuvres ont été prêtées et leur faire confiance, afin d’éviter des inspections externes. Maintenir le contact avec les employés chargés de gérer les objets prêtés et en garde.

– Il est conseillé de ne pas envoyer de membres du personnel surveiller les œuvres.

– Évaluer chaque objet et chaque situation avant de décider du désassemblage et du stockage des œuvres dans des boîtes jusqu’à leur renvoi. Garder à l’esprit qu’il est plus compliqué d’inspecter les objets stockés dans des boîtes. Néanmoins, si les objets sont conservés dans des zones à risque de catastrophe naturelle, il vaut mieux les stocker ainsi.

– Contrôler le désassemblage, les rapports et l’emballage des objets par visioconférence.

– Si nécessaire, prolonger la durée du prêt, sans oublier de le mentionner dans le contrat, la nouvelle police d’assurance ou tout autre formulaire d’inscription.

– Rester en contact avec l’institution ou le fabricant pour obtenir régulièrement des données relatives à l’environnement des lieux où sont situées les œuvres.

16. Recommandations relatives aux projets de documentation

– Donner la priorité aux actions réalisables à distance, comme l’analyse des informations de la base de données.

– Prévoir des actions de recherche à distance sur la ou les collection(s).

– Tenir la documentation sur les collections à jour en proposant, si possible, un accès à distance à cette documentation, comprenant des informations correctes sur l’emplacement des ressources et sur leur état de conservation.

17. Recommandations relatives au public, à la communication, ainsi qu’aux activités numériques et pédagogiques

Nous recommandons à l’institution de développer ou de conserver des interactions avec le public par le biais des réseaux sociaux (Instagram, Twitter, Facebook, etc.) selon un programme visant à faire connaître ses collections et à encourager la consultation des bases de données et des sites internet, ainsi que la recherche sur ces ressources. Pendant cette période, produire des consignes relatives aux publications numériques (lignes directrices techniques, catalogue numérique des expositions, etc.) avec des informations claires et directes, accessibles par le public.

18. Développement d’un plan de reprise des activités

– Le plan de reprise des activités doit être élaboré avec l’ensemble de l’équipe pour définir les actions qui précèderont la réouverture au public.

– Conformément aux lignes directrices émises par l’OMS, devront être évoqués les protocoles de prévention de la contagion (prise de température et port de masque), la réduction du nombre de personnes dans les espaces clos, le nettoyage et l’organisation des expositions, mais aussi la consultation et l’utilisation des espaces de recherches.

– Il est crucial d’évaluer l’efficacité de la circulation et du renouvellement de l’air dans les espaces dotés d’un système de ventilation mécanique.

– Prévoir le calendrier de désassemblage des expositions, de retour ou de prêt des œuvres, de façon à ne pas effectuer toutes ces actions simultanément.

– Coopérer avec la communauté pour rouvrir le musée et faire connaître et revoir les procédures quotidiennes de l’institution.

Ces recommandations visent à soutenir la planification des institutions dans le cadre de la protection des collections, des professionnels et du public pendant la pandémie de COVID-19, et peuvent connaître des changements pendant cette période.

Il est fortement conseillé de prêter attention aux règlements établis par la municipalité, la région ou l’État, ainsi qu’aux lignes directrices de l’OMS et des institutions nationales et internationales dédiées au patrimoine culturel.

 

Recommandations présentées par l’ICOM Brésil au mois d’avril 2020.

 

Développées en partenariat avec les institutions et les professionnels indiqués ci-dessous:

American Institute for Conservation (AIC) – Ressources sur la protection des collections

UNESCO –  Les musées confrontés aux défis du COVID-19 restent engagés auprès des communautés

American Alliance of Museums (AAM) – COVID-19 Resources & Information for the Museum Field