Aujourd’hui, face à la menace toujours croissante du changement climatique, la survie du patrimoine culturel mondial est en jeu.
Les littoraux sont menacés par la montée du niveau des mers, de violentes tempêtes et l’érosion côtière; dans les terres, les ouragans et tempêtes auront des effets dévastateurs. Une augmentation des précipitations et de la salinité peut affaiblir les structures des bâtiments et exacerber le phénomène de fragilité des sols. Enfin, la sécheresse aggrave le risque d’incendie.
Certains musées sont ainsi contraints de fermer temporairement leurs collections pour que les températures élevées n’endommagent pas leurs œuvres, d’autres sont exposés à la montée des eaux (les musées situés près des côtes ou ceux des îles du Pacifique, en particulier) ou aux crues des rivières qui les bordent (comme les musées de Paris ou de Venise). Les incendies de forêt qui ont dévasté la Californie à l’automne 2019 et l’Australie au début de cette année ont menacé de nombreuses institutions culturelles, obligeant certains musées à déplacer leurs collections afin d’éviter leur disparition.
Alors que les collections des musées, des bibliothèques et des archives sont menacées par le changement climatique, c’est la vie, l’histoire et l’identité – non seulement d’une communauté mais aussi de l’humanité – qui risquent de disparaître. La préservation de notre patrimoine est donc un facteur essentiel pour lutter contre le changement climatique.
Des efforts considérables sont déjà déployés par les musées du monde entier pour mettre en place un dispositif efficace d’intervention et de gestion de ces risques. Cependant, pour assurer la survie des œuvres et faciliter leur restauration, il est nécessaire d’accompagner ces mesures de copies à des fins de préservation, par leur numérisation et leur stockage dans le cloud. Dans les pays où sont détenus les œuvres, une exception au droit d’auteur doit être mise en place pour permettre d’en faire des copies de préservation. Pour y parvenir, les musées doivent être soutenus par des législations spécifiques et appropriées sur les droits d’auteur.
L’enjeu du droit d’auteur à des fins de préservation du patrimoine
Dans le cas où les musées ne possèdent pas les droits d’auteur correspondants, ils sont tenus de demander l’autorisation aux détenteurs de droits, et éventuellement de les payer. Cette obligation s’applique également en matière de préservation, sauf lorsque le pays concerné bénéficie de limitations et d’exceptions permettant aux musées de faire des copies à des fins de préservation.
En 2019, l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (l’OMPI) a organisé trois séminaires régionaux (à Singapour, Nairobi et Saint-Domingue) pour analyser la situation des bibliothèques, des archives et des musées, ainsi que des établissements d’enseignement et de recherche, en ce qui concerne le régime des limitations et des exceptions. Les résultats de ces réunions ont dévoilé que les musées étaient les institutions les moins soutenues par leur législation nationale, pour faire des copies à des fins de préservation. Cette situation s’explique soit par un vide ou une incertitude juridique. En 2019, l’Union Européenne a adopté une directive autorisant une exception pour les copies à des fins de préservation, mais cette mesure a une portée géographique limitée. Ces inégalités et disparités sont exacerbées par l’absence d’une action internationale et nationale concertée, ce qui empêche les musées de mener à bien leur mission de préservation de notre patrimoine culturel, tout en assurant une coopération transfrontalière.
Demandons à l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle et aux acteurs concernés d’agir avant qu’il ne soit trop tard.
Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, l’ICOM plaide depuis 2014, avec le Conseil international des archives (ICA) et la Fédération internationale des associations et institutions de bibliothèques (IFLA), auprès de l’OMPI, pour faire entendre la voix des musées et obtenir des lois internationales sur le droit d’auteur qui puissent répondre aux problèmes spécifiques rencontrés par ces institutions patrimoniales.
Cette année, la Journée mondiale de la propriété intellectuelle (organisée chaque année par l’OMPI le 26 avril), consacrée à l’innovation pour un avenir vert, est l’occasion de faire entendre nos besoins. L’ICOM, IFLA, EIFL (Electronic Information for Libraries), ICA et la SAA (Society of American Archivists) ont rédigé une lettre ouverte visant à encourager l’OMPI et tous les décideurs en matière de droit d’auteur à prendre des mesures, au niveau national et international, afin que les bibliothèques, les archives et les musées puissent préserver notre patrimoine culturel et nos connaissances avant qu’ils ne disparaissent en raison des effets dévastateurs du changement climatique.
Si vous êtes un comité national, un comité international, une alliance régionale, une organisation affiliée, un musée, un individu ou une organisation soutenant nos objectifs, vous pouvez nous soutenir en remplissant le formulaire et en devenant signataire.