Les musées n'ont pas de frontières,
ils ont un réseau

Alvin Tan Tze Ee

Deputy Chief Executive (Policy & Community), National Heritage Board of Singapore

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Mots clés : Covid-19 ; Musées ; Communautés ; Implication ; Numérique.

De gauche à droite : Winston Lim, Maria Bhavani Dass et Asmah Alias, responsables des institutions patrimoniales communautaires de Singapour. © Conseil national du patrimoine de Singapour

Les trois institutions patrimoniales de Singapour, le Malay Heritage Centre (MHC ; Centre patrimonial malais), le Indian Heritage Centre (IHC ; Centre patrimonial indien) et le Sun Yat Sen Nanyang Memorial Hall (SYSNMH ; Mémorial Sun Yat Sen Nanyang) ont toujours joué le rôle de centres communautaires pour les communautés malaises, indiennes et chinoises, respectivement.   

Avec la pandémie de la Covid-19 et la mise en place de mesures visant à en limiter la propagation, ces institutions ne jouent plus seulement le rôle de musées ; ce sont elles qui sont désormais en première ligne face au virus, dans le secteur culturel. Elles sont, en outre, devenues des mécènes, et même des soutiens pour leurs communautés, auxquelles elles proposent du contenu accompagné de messages rassurants.

Adjoint de direction (politiques et communauté) au Conseil national du patrimoine de Singapour, Alvin Tan s’est entretenu avec les responsables de ces trois institutions : Asmah Alias (MHC), Maria Bhavani Dass (IHC) et Winston Lim (SYSNMH). Son but : découvrir en quoi la crise de la Covid-19 a entraîné une évolution du rôle de leur musée communautaire.

Comment votre institution patrimoniale est-elle parvenue à réagir si rapidement à la crise et à adopter le numérique ?

Asmah Alias, Responsable du Malay Heritage Centre (MHC): Par chance, le Conseil national du patrimoine de Singapour a rapidement mis en place une équipe de réponse immédiate à la Covid-19. Son rôle consistait à surveiller l’impact de la pandémie sur les musées de par le monde et à partager, non seulement les pratiques exemplaires d’organisations internationales telles que l’ICOM, l’UNESCO, le Réseau des Organisations des Musées Européens et l’American Alliance of Museums, mais aussi les projets innovants mis en œuvre par des musées locaux.

Maria Bhavani Dass, Responsable du Indian Heritage Centre (IHC) : Nous avons aussi étudié des campagnes dont la réussite n’est plus à prouver, comme #MuseumMomentofZen et #MuseumFromHome, ou encore certains projets, notamment celui du J. Paul Getty Museum et le défi « Restez chez vous » du Rijksmuseum. Cela nous a permis de participer à quelques-unes de ces campagnes, même depuis l’autre bout du monde, tout en les adaptant à nos publics.

Winston Lim, Responsable du Sun Yat Sen Nanyang Memorial Hall (SYSNMH) : Je pense que nous pouvons citer deux facteurs clés de réussite : tout d’abord, la direction nous a guidés en nous apportant tout son soutien, sans pour autant brider les équipes, qui étaient libres d’expérimenter de nouveaux contenus numériques. D’autre part, nos équipes, toutes disposées à apprendre des musées de l’étranger, se sont montrées suffisamment flexibles pour s’adapter rapidement aux tendances locales et internationales.

Quels ont été les éléments à prendre en compte lors du développement de ce nouveau contenu numérique ? Quel était son objectif ?

R/IHC : Au début, notre contenu numérique visait à utiliser nos collections pour renforcer les directives sanitaires nationales : port du masque, absence de contact, distanciation sociale. Nous cherchions dans le même temps à redonner le moral aux Singapouriens, par le biais de publications présentant des artefacts aux messages positifs. Pour être honnête, à ce moment-là, nous n’en étions encore qu’à la phase test.

R/MHC : Lorsque nous avons gagné en assurance, nous avons déployé des ressources considérables à la création d’expositions numériques et de visites guidées en ligne, ainsi que des documents à visée éducative comprenant des jeux traditionnels à faire soi-même, des mots croisés, des puzzles, des quiz et des coloriages, que les familles pouvaient réaliser ensemble, à la maison.

R/SYSNMH : Maintenant que nous maîtrisons mieux l’offre numérique, nous nous concentrons sur le développement d’indicateurs plus précis, qui nous permettraient d’en mesurer l’efficacité et d’étudier les différentes façons de monétiser certaines parties de notre contenu, actuellement proposé gratuitement.

Contenu numérique utilisant les collections existantes et proposant des puzzles et conseils conformément aux directives sanitaires nationales. © Malay Heritage Centre

Outre le fait de proposer désormais du contenu numérique éducatif et inspirant, de quelle autre manière les rôles de vos institutions patrimoniales ont-ils évolué avec la Covid-19 ?

R/MHC : Pendant cette période, nous avons dû mobiliser nos communautés, et c’est particulièrement le cas pour le MHC. Les mesures prises en raison de la Covid-19 ont empêché la communauté musulmane de Singapour de rompre le jeûne à la mosquée ou de se retrouver pendant le Ramadan. Le MHC a donc lancé une campagne en ligne grâce à laquelle la communauté pouvait se réunir virtuellement. Ainsi, les Singapouriens, musulmans comme non musulmans, pouvaient librement prendre part aux festivités et en apprendre plus sur ces traditions et pratiques.

R/SYSNMH : Quant à nous, nous avons lancé la première édition en ligne du Festival de la mi-automne (du 14 septembre au 11 octobre 2020), dans le but de réunir virtuellement les communautés en cette période traditionnellement consacrée aux réunions, difficiles à organiser autrement en ces temps de crise. C’est pourquoi cet événement proposait diverses initiatives numériques pour réunir les proches, notamment des cours de cuisine et des activités créatives interactives auxquelles familles et amis pouvaient participer pour renforcer leurs liens.

Enregistrement d’une session d’arts traditionnels pour créer du contenu numérique. © Indian Heritage Centre

Pouvez-vous nous expliquer comment vos institutions patrimoniales aident-elles les artistes et groupes artistiques locaux ?

R/SYSNMH : Nos trois institutions ont consciemment décidé d’agir afin d’aider nos artistes et groupes artistiques locaux qui rencontraient, et rencontrent toujours, des difficultés en raison de l’annulation et du report des programmes culturels et artistiques. Nous avons donc fait le choix d’exposer leurs œuvres et de leur assurer une source de revenus.

R/IHC : L’une de nos premières idées consistait à jouer le rôle « d’agrégateur » en laissant aux groupes artistiques la possibilité d’utiliser nos réseaux sociaux pour exposer leur travail et étendre leur visibilité. Tout le monde y trouvait son compte : nous bénéficiions de nouveau contenu, tout en permettant aux Singapouriens d’accéder à l’art et à la culture. Pour le moment, plus de 10 groupes ont eu recours à cette technique, et nous comptons bien continuer.

R/MHC : Nous avons ensuite engagé et travaillé avec six artistes locaux, qui ont présenté pour la toute première fois une exposition numérique, avec chacun cinq œuvres animées, vues plus de 18 000 fois.

R/IHC : Par ailleurs, nous mettons actuellement au point le prototype de la première édition numérique des festivals annuels de la culture. D’autres artistes et groupes artistiques ont été contactés et nous collaborons avec eux afin de présenter des expositions numériques et de préparer le programme des mois à venir.

Pour conclure, pourriez-vous nous dire en quoi la Covid-19 a affecté le fonctionnement et la programmation des musées ? Quels sont vos projets pour l’avenir ?

Prise de température au lendemain de la réouverture du Mémorial, le 4 juillet 2020. © Sun Yat Sen Nanyang Memorial Hall

R/SYSNMH : En cette période de distanciation obligatoire, nous avons dû limiter le nombre de visiteurs. Nous avons également instauré diverses mesures : prise de température, traçage des contacts des visiteurs, installation de distributeurs de gel hydroalcoolique, vignettes et panneaux indiquant les distances à respecter…

R/MHC : En outre, nous avons fait de notre mieux pour rassurer et « préparer » nos visiteurs à leur visite. Pour cela, nous avons fait en sorte que nos institutions se voient attribuer le label « SG Clean », qui récompense les organisations aux pratiques sanitaires rigoureuses. Un livret de ressources en ligne sur la réouverture a également été publié.

R/IHC : Selon moi, à l’instar de nombreux autres musées dans le monde, nous devons maintenant nous pencher sur la façon d’attirer des visiteurs, en faisant tout notre possible pour assurer leur sécurité. Il ne tient qu’à nous d’explorer et de tester de nouvelles façons de présenter nos programmes. Pour le moment, dans cette situation inédite et incertaine, nous nous dirigeons vers un format « hybride », qui combinerait une programmation limitée sur site et une offre numérique.   

Références et ressources

Pour plus d’informations sur le Centre patrimonial indien, consultez son site internet, www.indianheritage.org.sg, ou sa page Facebook, www.facebook.com/indianheritagecentre.

Pour plus d’informations sur le Centre patrimonial malais, consultez son site internet, www.malayheritage.org.sg, ou sa page Facebook, www.facebook.com/malayheritage.

Pour plus d’informations sur le Mémorial Sun Yat Sen Nanyang, consultez son site internet, www.sysnmh.org.sg, ou sa page Facebook, www.facebook.com/sysnmh.

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