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mai 23, 2020

Le Musée communautaire Despierta Hermano de Malalhue. Un espace d’autonomisation culturelle et d’inclusion

Karin Weil

Direction de la muséologie - Université austral du Chili

Mots-clefs : musée communautaire ; diversité culturelle ; espaces polyphoniques  

Située dans la Région des Fleuves (Región de Los Ríos en espagnol), la ville de Malalhue est une petite localité urbaine dépendant administrativement de la commune de Lanco, au sud du Chili. Il s’agit d’un bourg peuplé d’environ 2 500 habitants, à vocation éminemment agricole. Le mot « Malalhue » vient étymologiquement des communautés mapuches qui vivent sur ce territoire. Il signifie « lieu clos » et fait référence à l’endroit où les eaux se rejoignaient, créant ainsi une zone humide qui fut utilisée comme abreuvoir pour le bétail durant les périodes estivales, jusqu’à l’urbanisation engendrée par l’arrivée du chemin de fer.

Llepu ou Balai et Mapuche cloth répresentant le Loft de Malalhue © Claudia Ordóñez

Une initiative polyphonique

Au lycée República del Brasil, une initiative à la fois communautaire et scolaire a été développée au cours des années 90, visant à sauver la mémoire de la culture mapuche et à la transmettre à la communauté. Cet effort a trouvé soutien dans diverses communautés mapuches, qui, avec leurs Lonkos (également appelés caciques ou chefs de communauté) et autorités ancestrales, ont permis l’ouverture du Musée Communautaire Despierta Hermano de Malalhue, le 12 septembre 1996, dans la Maison de la Culture de Malalhue et avec l’appui de l’association culturelle « Malalhue Siembra ». Grâce aux objets de la vie quotidienne, conservés et transmis pendant des générations avant d’être remis au musée, l’identité de tous ceux qui font partie de la communauté malalhuine a été renforcée et partagée.

© Claudia Ordóñez

Encourager le dialogue social et l’inclusion

Dans les années 80, l’école accueillait des enfants de nombreuses communautés du secteur, comme les communautés Huillamallín, Quemchue, Huane, Quilche et d’autres, reflétant alors la diversité des familles et des histoires associées à leurs territoires. A cette époque, les enfants mapuches étaient victimes de discrimination dans les salles de classe, par d’autres élèves, en raison de leur nom, de leur façon de s’habiller et de leurs habitudes alimentaires. L’initiative a donc vu le jour dans le but d’encourager les enfants, mapuches et non mapuches, à respecter leurs racines et à les intégrer à leur propre vie et coexistence. Elle visait également à préserver le patrimoine matériel et immatériel lié aux échanges interculturels dans le milieu familial et au sein de la population sur le territoire.
Des ateliers sur le sens des objets ont été organisés à l’intention des enfants pour étudier et approfondir l’histoire de la localité, principalement liée aux peuples autochtones (mapuches) et aux migrants qui rejoignirent le territoire dans le cadre du développement du chemin de fer et du travail du bois. Ainsi, la collection qui constitue actuellement l’exposition du musée, est un ensemble de pièces, réalisées par les élèves ayant participé aux ateliers, ou données par leurs familles. Elle donne vie au récit et permet un parcours des recherches menées. Cela a encouragé la valorisation de ces objets en fonction de l’attachement que leur porte leur créateur, de leur provenance, ou de leur signification commune, pour les membres de la communauté. Cette démarche a permis la mise en place d’une nouvelle approche du patrimoine local. Les ateliers ont abouti à la création d’un espace d’exposition pour construire la mémoire des familles de Malalhue et mettre en place des instances de dialogue participatif.
Le Musée Communautaire Despierta Hermano de Malalhue fête ses 24 ans en 2020, toujours sous la direction de Nerys Mora Contreras qui, avec le même enthousiasme et le même dévouement, continue à organiser diverses activités avec la communauté, afin de projeter et de façonner le sens et l’héritage de Malalhue.

© Claudia Ordóñez

Préparer l’avenir à partir des savoirs traditionnels

Afin de mettre en valeur, non seulement les objets, les traditions et le contexte historique, mais aussi l’importance de ce que représente le territoire, ce que l’on appelle des « cabildos » ont été organisés. Le cabildo est un concept qui provient du latin et qui fut utilisé très fréquemment à l’époque coloniale, lorsque les pays américains étaient gouvernés par l’Espagne. C’était un organisme représentatif de la communauté qui visait à veiller au bien commun et au bon fonctionnement du territoire. Cette méthodologie inclusive appliquée de nos jours a permis de connaître et de comprendre les récits et la signification de chacune des coutumes relatives aux acteurs sociaux, à l’activité économique et aux traditions, ainsi que les diverses formes de cohabitations harmonieuses et respectueuses mises en place par les malalhuines, en préservant la force et la cohésion de leur identité. Ces rencontres ont été proposées par les habitants eux-mêmes, en mettant en place des dialogues ouverts et une réflexion autour des éléments essentiels qui représentent traditionnellement la vie et le sens du lieu : l’eau, la forêt et le bois.
Dans ce processus, il faut souligner le rôle d’Isabel Riveros Quilacán, éducatrice interculturelle qui a participé au projet depuis ses débuts, en transmettant de manière très généreuse, dans chacune de ses présentations et activités, le sentiment d’appartenance, à partir de la compréhension de la communauté malalhuine dont elle fait partie, et de sa propre histoire.

© Claudia Ordóñez

Références et ressources

Vidéo de présentation du Musée Communautaire Despierta Hermano de Malalhue

Crédits photos :
1. © Claudia Ordóñez, Profesional, Dirección Museológica Universidad Austral de Chile. Collection du Musée Despierta Hermano de Malalhue: Llepu ou Balai et Textil mapuche répresentant le Loft de Malalhue.
2. © Claudia Ordóñez, Profesional, Dirección Museológica Universidad Austral de Chile. Collection du Musée Despierta Hermano de Malalhue.
3. © Musée Despierta Hermano de Mlalhue / Photo des archives du musée : Isabel Riveros Quilacán et Nerys Mora Contreras.

 

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