Franco Reinaudo
Directeur du musée de la Diversité sexuelle, São Paulo, Brésil
Les musées n'ont pas de frontières,
ils ont un réseau
février 19, 2021
Mots clés : LGBT ; LGBTQI+ ; Diversité sexuelle ; Droits humains ; Activisme.
Pour cette première publication ICOM Voices de février, nous sommes ravis de partager avec vous un extrait de l’article d’ouverture du dernier numéro de Museum International, consacré aux musées LGBTQI+. Franco Reinaudo, l’auteur de cette contribution intitulée ‘A Strange Queer Body: the Museum of Sexual Diversity in São Paulo, Brazil’ (Une entité queer incongrue : le Musée de la Diversité Sexuelle de São Paulo, Brésil), nous fait vivre un voyage inspirant à la découverte de l’activisme LGBTQI+ dans sa ville natale, São Paulo, au Brésil, des années 1960 à nos jours. De ses débuts oppressants marqués par des gouvernements hostiles et l’épidémie de sida, en passant par l’organisation de la première Marche des Fiertés et la création d’un centre d’Archives LGBT, à l’ouverture du musée de la Diversité sexuelle en 2012 et plusieurs expositions réussies, l’auteur livre un témoignage personnel des aspects positifs et négatifs de ce voyage et de la vision qui l’a conduit, avec la communauté LGBTQI+ locale, à lutter pour une plus grande diversité, l’inclusion et les droits humains, au sein de la plus grande ville du Brésil.
L’intégralité de l’article est accessible gratuitement au grand public, pour une durée limitée, en anglais, français et espagnol.
Les membres de l’ICOM peuvent continuer à lire gratuitement le numéro complet et accéder aux archives du journal depuis leur espace membre.
Nous espérons que cet article piquera votre curiosité et sera source de nouvelles inspirations qui vous inviteront à découvrir le reste des articles, riches et variés, de ce numéro consacré aux musées LGBTQI+.
Extrait
Le Brésil a toujours montré une certaine animosité envers les personnes LGBTQI+. Le nombre de crimes homophobes et transphobes perpétrés dans ce pays y est inconcevable, de l’ordre de plus de 400 chaque année1. Les suicides et les agressions violentes y sont aussi fréquentes. Ce n’est qu’assez tard que le pays a rejoint le mouvement mondial pour plus de visibilité et de droits pour les minorités sexuelles et de genre. Alors que, dans les pays occidentaux, les personnes gaies, lesbiennes et transgenres ont commencé dès les années 1960 à se battre sérieusement pour leurs droits, l’Amérique du Sud, alors aux prises de dictatures militaires, a pris du retard en la matière.
De 1964 à 1985, les généraux brésiliens au pouvoir affichaient une forte hostilité envers ces populations, encourageant les persécutions policières contre toute personne qui ne se conformait pas aux normes de sexe et de genre. S’appuyant sur la formulation très vague d’une loi qui stipulait que « l’offense à la moralité publique » devait être punie, la police s’est mise à harceler les personnes LGBTQI+ sur la voie publique, dans les bars et dans tout autre endroit où elle s’en sentait le droit. Les années 1970 et 1980 ont été particulièrement dures pour tous ceux qui tentaient de lancer des mouvements sociaux, car les responsables pouvaient être emprisonnés et persécutés sans disposer d’aucun moyen de défense légale.
Quelques groupes gays et lesbiens existaient déjà, mais officiaient dans le plus grand des secrets. Entre 1978 et 1981, une groupe d’intellectuel.les est parvenue à publier un journal majeur, Lampião da Esquina2, qui proposait des débats approfondis sur la culture, les préjugés, l’orientation sexuelle et les livres interdits. Ses créateurs ont dû faire preuve d’un grand courage ; les rares kiosques qui acceptaient de le vendre étaient parfois bombardés par des groupes paramilitaires.
Lorsqu’un président civil est enfin arrivé au pouvoir en 1985, et même s’il n’était que nommé, et non élu, ces populations ont pu profiter d’un certain répit. Malheureusement, c’est à cette période que le VIH s’est abattu sur la communauté gaie, tuant 25 000 personnes au Brésil rien que lors de la première décennie de l’épidémie. La société brésilienne était plus que ravie d’appeler cette maladie le « cancer gay », pour se rassurer qu’elle soit limitée aux « groupes à risques », c’est-à-dire aux hommes homosexuels. De nombreuses personnes LGBTQI+ sont alors retournées dans le placard, par peur de perdre leur travail et de subir de nouvelles discriminations. Quelques jeunes hommes ont même été rejetés par leur famille après avoir développé des symptômes de cette pathologie, notamment un sarcome de Kaposi.3
Accéder à l’intégralité de l’article en français.
Notes
1 Selon le rapport annuel de Grupo Gay da Bahia (le Groupement gay de l’État de Bahia), quelque 445 personnes LGBTQI+ ont succombé à une mort violente en 2017, 420 en 2018 et 329 en 2019. Ces chiffres ne sont cependant pas officiels et cette diminution pourrait être le fait d’une baisse des déclarations, plutôt que des violences. Chiffres tirés du site https://grupogaydabahia.com.br/ relatorios-anuais-de-morte-de-lgbti/ [consulté le 18 septembre 2020].
2 Ce nom signifie « Lanterne du coin », une référence à Lampião, un célèbre bandit du nord du Brésil, comparé aux hommes gays qui « chassaient » des partenaires au coin des rues. Pour en savoir plus, consultez la page : https://www.grupodignidade.org.br/ projetos/lampiao-da-esquina/.
3 Le journaliste Marcio Caparica rend compte des persécutions subies par les hommes gays dans les années 1980 et de leur état de désolation. Pour en savoir plus, consultez la page : http://ladobi. com.br/2015/03/aids-1980/